· Affaire Béton Lyonnais ·

Béton Lyonnais au pénal : faits accablants, défense accablante

par | 16 Sep 2023

Nous avions comme une impression de déjà vu ce Jeudi 14 Septembre après-midi au Tribunal Judiciaire de Lyon… Et pour cause, l’audience au pénal contre Béton Lyonnais aurait du se tenir l’année dernière. Nous avons attendu sur les mêmes bancs que les affaires passent, mais cette fois était la bonne : l’audience s’est tenue !

Béton Lyonnais et son dirigeant étaient poursuivis pour l’exploitation d’une centrale à béton non-conforme à la réglementation environnementale, malgré les nombreuses mises en demeure de la Préfecture du Rhône. “Le constat est froid, a affirmé la Procureure de la République dans son réquisitoire, Béton Lyonnais a mis trop longtemps à se mettre en conformité avec les mises en demeure de la Préfecture”. En effet, le principal fait reproché à l’entreprise est de n’avoir pas rebouché et continué à exploiter un forage dans la nappe d’eau souterraine pendant plus de 2 ans, alors même que la Préfecture lui avait ordonné de reboucher “immédiatement” le forage en question. D’autant que comme l’a fait remarquer Me Bouquin, avocate de la riveraine de l’entreprise, ce forage avait fait des années plus tôt l’objet d’injonctions de rebouchage de la part de la Préfecture.

Mais Béton Lyonnais préfère remettre en cause la parole des inspecteurs assermentés de la DREAL (Préfecture) : “les inspecteurs ne se sont pas basés sur la bonne limite entre zone de protection rapprochée et éloignée [du captage d’eau potable]”, ou encore “les inspecteurs sont venus à charge, instrumentalisés par certains ici”. Il argue, rapport d’analyse à la main, que “l’eau n’est pas polluée”. Argument inopérant dès lors que les règles environnementales sont par nature préventives : si l’eau était polluée, il serait déjà trop tard. D’autant que ce sont ces mêmes rapports qui écrivent que “le site est caractérisé par une très grande vulnérabilité, en raison notamment de la perméabilité élevée des alluvions et de l’absence d’une couche de protection superficielle”. Enfin, il fait jouer le registre émotionnel : “Je me lève à 5H tous les matins, je vieillis et je commence à fatiguer. Mais tous les jours, j’essaye de porter ma pierre à l’édifice”, “La société est là depuis 35 ans, […] on l’a tenue avec mon frère à la sueur de notre front”.

Une gestion sans faille depuis 1988, peut-être au niveau du chiffre d’affaires et de la santé économique de l’entreprise, rétorque Me Bouquin, avocate de la riveraine de l’entreprise, mais pas au niveau de l’environnement, et pas au niveau de la santé publique”. Elle se lance alors dans un long exposé de l’historique d’une entreprise décrite comme sans histoires jusqu’alors par son propriétaire. Son installation illégale en 1993 sur une zone dont le Maire l’avait prévenu qu’elle était incompatible avec l’activité d’une centrale à béton avant même qu’il n’achète le terrain, et contre l’avis de toutes les autorités compétentes. Ses déboires innombrables avec la Préfecture pour ses activités non déclarées (comme le stockage de déchets), les lettres de la mairie rappelant qu’il ne possède aucun permis de construire pour ses machines, la façon qu’il a eu de toujours trouver le moyen de passer entre les mailles du filet.

Sans doute l’Administration a une incapacité à mettre en perspective ses propres décisions” rappelait Me Forest, avocat d’un autre riverain. Car si Béton Lyonnais comparait seul aujourd’hui devant le tribunal, on ne saurait oublier que pour tout acte illégal de l’entreprise qui perdure, il y a derrière une Administration qui laisse faire. Certaines, comme la Métropole de Lyon, prennent une partie de leurs responsabilités en se portant partie civile dans ce procès, et en agissant (avec les lenteurs habituelles des administrations publiques) pour tenter d’améliorer la situation. D’autres, comme la Mairie de Décines-Charpieu, marquent par leur absence. Mme Laurence FAUTRA, où êtes-vous ? Pourquoi, malgré nos demandes, la mairie n’est-elle pas présente ? D’autres encore, comme la Préfecture, se rangent du côté de l’entreprise : alors que les riverain·es ont intenté un procès au tribunal administratif pour tenter de faire abroger l’autorisation dont Béton Lyonnais se prévaut pour exploiter son site, la Préfecture, plutôt que d’assumer leurs manquements, a préféré nier en bloc.

C’est pour cela que nous allons continuer à travailler pour aller devant la justice sur le volet administratif, faire reconnaître les manquements des autorités, et obtenir le déménagement de l’entreprise. Car finalement, le procès qui s’est tenu ce Jeudi 14 Septembre n’est qu’une étape à laquelle nous ne devons pas nous arrêter. “C’est comme s’il y avait un puit de pétrole au milieu du Parc de la Tête d’Or et qu’on se demandait si la peinture qui en couvre la structure était bien aux normes” avançait Me Bouquin. Parce que même si l’entreprise est condamnée aux 50 000€ d’amende et à la peine de diffusion de la condamnation dans 2 media locaux requis par la procureure, elle n’arrêtera pas pour autant son activité. Elle continuera à exploiter une centrale à béton dans une zone agricole. Elle continuera à rejeter des eaux usées à même le sol dans les zones de protection d’un captage d’eau potable. Elle maintiendra ses silos à béton et ses cribleuses-concasseuses sans permis de construire. Elle continuera à exercer sans autorisation préfectorale valide. Et tout cela dans le même “je-m’en-foutisme”, le même “irrespect des 1,3 millions de personnes qui consomment l’eau potable distribuée” aux grand-lyonnais·es (selon la formule de l’avocat de la Métropole).

C’est pourquoi nous n’en resterons pas là. Nous allons continuer sur le plan administratif les procédures judiciaires dont ce procès ne marquait qu’un début. Nous mettrons les pouvoirs publics devant leurs responsabilités, et ferons enfin reconnaître que Béton Lyonnais n’a rien à faire là. Nous continuerons jusqu’au déménagement de l’entreprise.

Mais pour l’heure, nous attendons la décision du tribunal, qui tombera le 16 Novembre. Quelle qu’elle soit, ce procès rassemblant Procureur de la République, Métropole de Lyon, associations environnementales et riverain·es consacre à la fois ce sujet comme un sujet d’intérêt public, et comme un combat dans lequel Béton Lyonnais est seul contre tous·tes.