Pourquoi

Pourquoi

2 janvier 2023 - Récits de la nuit
Récits de demain

Je suis seule. Desespérée. Elle est partie. Une larme roule sur ma joue. Elle est morte. Mia. Ma petite Mia. Ma Mia à moi. Mon amour. Une question m’écorche les lèvres : Pourquoi ? Comment en est-on arrivé là ?

Un flash m’assaille. Encore un. Je crie. Non ! Je ne veux pas. Qu’on me laisse mourir moi aussi.

Août 2035 :

Je marche, d’un pas rapide, en direction du supermarché. Prudente. Quand, soudainement j’entends un cri strident. Une dame un peu agée. Une pauvre femme sexagénaire.

    • Au secours ! Ma mère est morte ! Aidez-moi !

C’est courant. Il fait très chaud. Trop chaud ! Un nouveau record de température. 46°C. C’est horrible. Les gens meurent de chaleur chez elleux en masse. Maman est morte. Elle n’a pas su résister à la chaleur. La nouvelle épidémie l’avait affaiblie comme énormément de gens. Surtout qu’avec la guerre des Etats-Unis contre la Corée du Nord, l’électricité marche très peu. Les personnes agées ne peuvent même pas faire marcher leur air conditionné. Les services d’urgences, déjà en piteux état, sont saturés au plus haut point.

La sueur coule sur mon front. Je suis de corvée pour aller chercher les courses. On sort très peu de chez nous à cause de la chaleur. Les cours sont annulés pour la semaine. Ils parlent même de reporter, voire annuler, le bac.

J’ai chaud. Il ne faut pas courir. Surtout pas. Avec le rationnement de l’eau, il ne faut pas se déshydrater. J’arrive enfin devant la porte du supermarché. Je pose ma main sur un scanner. Une voix stridente m’agresse :

    • Jessica Miller, 17 ans. Française d’origine. Vous pouvez rentrer.

Les portes automatiques s’ouvrent. Derrière moi une femme, d’une trentaine d’années, voilée, tente de rentrer avec moi. Aussitôt, elle est plaquée par deux gardes qui lui demandent ses papiers d’identités.

    • Marocaine d’origine. T’embarque demain pour le Maroc ainsi que toute ta famille, sale musulmane.

    • C’est pour mes enfants et ma mère. Elle n’a plus rien, sale flic.

Elle crache sur le policier, qui l’assomme d’un violent coup de matraque. Une larme roule sur ma joue. En guise de bienvenue, une nouvelle voix encore plus stridente m’assaille :

    • Verifiez bien le SMS reçu, vous avez le droit de vous servir seulement et seulement dans ce qui y est indiqué. En cas de non respect,vous serez fortement sanctionné.e.s.

Le même message est répété en boucle et me vrille dans les oreilles.

Mars 2039 :

Deux moix. Deux longs mois que je ne vais plus au lycée. Tout est fermé. Et les raisons ne manquent pas. La chaleur. Le groupe terroriste qui terrorise tout le monde depuis 6 mois. Le Gong noir, car c’est comme aça qu’il se fait appeler, enchaîne attaques après attaques. Toujours plus meurtrières et dévastatrices. Papa a péri sous les bombes. Mon frère, Nathan, réquisitionné pour la guerre de l’Allemagne face à la Chine, est mort. On n’a même pas pu l’enterrer dignement. Le parti politique au pouvoir, la Nouvelle Marche, applique sa politique raciste, anti-immigration, pro-police et riches, etc, dans tout le pays. Ma poitrine se contracte. Non ! Pas une nouvelle crise d’angoisse ! J’ai peur. Je suis dévastée.

Juin 2040 :

L’électricité a coupé. C’est fini ? On sort sur le balcon du haut de notre immeuble de 50 étages avec ma petite amie. Quelqu’un crie :

    • C’est la fin du monde ! Fuyez la ville !

J’ai peur. Mia s’effondre devant moi. Et tombe par-dessus la rambarde. Je hurle. Elle s’agrippe à ma main. Que doit-on faire ? Une crampe me prend au bras. Je lui hurle que je vais lâcher. Elle tombe.

Je regarde ébétée le sol du haut du 40e étage. Je suis seule. Desespérée. Elle est partie. Une larme roule sur ma joue. Elle est morte. Mia. Ma petite Mia. Ma Mia à moi. Mon amour. Une question m’écorche les lèvres : Pourquoi ? Qu’on me laisse mourir moi aussi.

Ma jambe gauche passe la rambarde doucement et je saute vers l’infini.