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Le Développement Durable : un oxymore ?

9 Juin 2019

Qu’est-ce que le développement durable ?

 

     Le développement durable est un concept apparu dans le rapport Brundtland en 1987, il propose de concilier 3 aspects : le social, l’économique, et l’environnemental. Selon ce rapport « Le développement durable est un mode de développement qui répond aux besoins des générations présentes sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs. ». L’idée est alors que l’on peut trouver un modèle économique conciliant croissance économique et respect des limites naturelles et des droits de l’homme. Cependant la présence du “développement” dans cette notion pose question.

 

Un développement peut-il être durable ?

 

     En 2009, dans une interview au magazine Terra Eco Nicolas Hulot dénonce l’abus que l’on fait de ce terme et a « l’impression qu’il ne s’agit plus que d’une camomille mielleuse destinée à nous faire ingérer nos excès ». Ainsi, aujourd’hui les États, les entreprises, en passant par les institutions internationales, tout le monde récupère ce concept devenu à la mode, n’est-ce pas suspect ?

     Selon Bertrand Méheust, auteur du livre La politique de l’oxymore « le développement durable est un oxymore. Si on prend ce terme au pied de la lettre, il contient sa contradiction. Le développement est pensé comme infini alors que nous vivons dans un monde fini. ». L’idée sous-jacente de croissance économique est clairement présente alors que c’est ce même objectif qui nous a amené à la suite de ce qu’appelle Gras la mutation thermo industrielle à exercer une prédation sur notre environnement et provoquer un réchauffement global de la planète Terre et toutes les conséquences qui vont avec (augmentation du niveau de la mer, acidification des océans, sécheresses, intensification des évènements extrêmes, déplacement de populations….). Méheust remet en cause également la croissance verte, d’après lui « Le slogan du développement durable peut devenir un outil de propagande. Il sert à maintenir les esprits captifs de l’illusion que la société peut continuer dans la voie dans laquelle elle est engagée, avec seulement des retouches, même importantes. C’est l’illusion de « la croissance verte » ». Les post développementistes blâment également ce concept, pour eux l’utilisation du qualificatif durable est avantageux pour ses partisans car il nous faire croire que le développement peut être inscrit dans la durabilité. Son utilisation est aussi une manière de rassurer les citoyens, leur donner l’illusion d’un changement, alors que très peu voire rien n’est fait, si ce n’est de beaux slogans ( « Make Our Planet Great Again » ) , des alertes ( « Notre maison brûle et nous regardons ailleurs » ), ou encore des trophées. Le constat est frappant : depuis l’apparition de ce concept, les émissions de Gaz à effet de serre mondiales ne cessent d’augmenter, la pollution atmosphérique croît inexorablement, et les inégalités sociales atteignent des niveaux records notamment dans les pays « émergents » ou « en voie de développement » comme en Chine ou en Inde, pays dans lesquelles la croissance économique a parfois été à deux chiffres. C’est aujourd’hui 2,2 milliards de personnes qui sont concernées par la pauvreté ou en passe de l’être, 815 millions de personnes souffrant de malnutrition. De fait, ces gens paraissent exclus du développement économique global, le démantèlement des services publics et de l’État providence n’aidant pas à améliorer leurs conditions.

     Par ailleurs l’acceptabilité du développement durable par les multinationales met en doute la fiabilité de celui-ci.

Un concept au service des multinationales et du greenwashing ?

 

     TOTAL, qui figure parmi les 20 plus gros émetteurs de Gaz à effet de serre de la planète se targue de placer ses « engagements environnementaux et sociétaux au coeur de notre stratégie […] agir de manière durable au quotidien. C’est tout cela être engagé pour une énergie meilleure ». Dans cette stratégie figure le fait de « Développer des biocarburants pour un transport plus durable ». Pourtant ce biocarburant n’aurait rien de durable car composé largement d’huile de palme selon une étude de Reporterre, culture soit dit en passant grandement responsable de la déforestation et par conséquent de la séquestration des puits de carbone que sont les forêts. Le développement durable est de ce fait véritablement au service des multinationales, celles-ci pouvant se consacrer à des opérations de greenwashing ou « marketing vert » visant à leur donner une bonne image sociale et environnementale. En outre cette notion est souvent associée aux énergies propres, renouvelables, bas carbone. Les énergies dites renouvelables sont aujourd’hui plébiscitées par les pouvoirs publics et les entreprises, toutefois bien que ces énergies pourraient permettre une moindre consommation de combustibles fossiles, leur construction nécessitent l’extraction de métaux souvent difficiles à recycler. L’utilisation de la voiture électrique est également critiquée du fait de la fabrication de sa batterie et sa consommation électrique parfois liée aux centrales à charbon. Si pour beaucoup la transition écologique passe par l’innovation et les nouvelles technologies, certains vont à l’encontre de cela en promouvant la sobriété énergétique, particulièrement les partisans des low-tech comme Philippe Bihouix qui précise que « Plus on va vers des objets technologiquement enrichis, avec de l’électronique intégrée, des alliages de métaux ou des matériaux composites moins facilement recyclables, plus on s’éloigne de l’économie circulaire, ce qui est le but d’une économie plus low-tech ». Ce concept va à l’encontre du high-tech et vise à utiliser des produits plus simples, plus sobres, réparables et construits localement. L’intégration du développement durable dans l’éducation est aussi une menace, l’Unesco a été chargé par les Nations unies de promouvoir le développement durable dans tous les systèmes éducatifs mondiaux. Lucie Sauvé (titulaire de la chaire de recherche du Canada en éducation relative à l’environnement) critique le fait qu’en « adoptant une posture instrumentale, l’éducation devient ainsi un outil au service du programme politico-économique mondial de développement durable », il est présenté naïvement comme « la pierre philosophale pour résoudre tous les problèmes, la clé d’un nouvel Eden ». Dans les programmes de géographie au collège ou au lycée, le développement durable est exposé comme le sauveur de populations et territoires autrefois délaissées ou maltraitées, l’exemple de Madagascar est souvent pris. En économie, les notions de soutenabilité faible et forte sont abordées, l’économie classique basée sur les théories d’Adam Smith est majoritaire dans l’enseignement universitaire mais aucun autre concept alternatif n’est évoqué, la décroissance est par exemple souvent caricaturée et jugée comme une idée utopique. Nous voyons là que l’objectif est clairement de donner aux jeunes citoyens un paradigme de croissance, de développement, de progrès. Pourtant, dans un contexte actuel d’urgence climatique, social et écologique, il serait plus judicieux de mettre en avant des modes de vie et des modèles économiques vraiment durables.

 

La décroissance, favoriser la sobriété pour un monde durable ?

 

En 1972 le rapport du Club de Rome « Halte à la croissance » a alerté sur les effets néfastes de la croissance économique amenant à un effondrement en 2030 de nos sociétés industrielles.

Un modèle tranchant vraiment avec le fonctionnement de nos sociétés contemporaines est la décroissance. Il part du principe qu’« une croissance infinie est incompatible avec une planète finie » . L’objectif est d’abord de décoloniser notre imaginaire d’un idéal de croissance, de développement, de progrès etc… Des mots toxiques selon Ivan Illich. Pour Serge Latouche l’économie de croissance est fondée sur une triple illimation : de la production, de la consommation, et donc des déchets et de la pollution. Cette économie ne serait donc pas durable. L’alternative prônée est la décroissance, cela reviendrait à transformer radicalement le fonctionnement de la société en changeant les esprits, c’est à dire décoloniser notre imaginaire. L’objectif étant de limiter la catastrophe écologique. C’est à travers des idées mais aussi des initiatives concrètes que le changement se fera. Certaines actions se développent déjà tel que le bio, les monnaies parallèles favorisant le circuit-court, le végétarisme, les low-tech etc…

Une économie de croissance ne peut plus durer, le développement durable par ses effets pervers, son inefficacité et le fait qu’ils entretienne le système économique en place ne peut être la solution, pourquoi ne pas passer à un modèle plus respectueux de la nature, des animaux, mais aussi de l’humain ?

Le Temps Presse – Youth for Climate France

Youth for Climate France est le mouvement de la jeunesse et des étudiants engagés pour le climat. Depuis début 2019, nous rassemblons les différents groupes locaux en France qui répondent au mouvement « Fridays for Future », lancé à l’appel de Greta Thunberg.