L’exploitation minière des océans : nouvelle menace écologique 

L’exploitation minière des océans : nouvelle menace écologique 

De plus en plus urgent, le changement climatique s’est imposé dans nos vies ces dernières années à coup de canicules et de feux de forêts, de fonte de glaciers et d’inondations. Entre les événements climatiques violents de cet été 2022, le rapport du GIEC et les nombreux cris d’alerte des scientifiques, nombreux sont ceux qui ont récemment pris conscience de l’importance de freiner l’exploitation de la nature.

Plus encore, la société civile commence à s’emparer de sujets politiques de grande ampleur dans la lutte écologique et sociale. Ainsi, le projet EACOP mené par Total Énergies, la taxation des superprofits et l’affaire des jets privés ne sont plus l’affaire de quelques hommes puissants et milliardaires privilégiés, mais de tous.

Pourtant, nous n’avons pas pu nous empêcher de remarquer qu’un événement majeur de l’été est aux abonnés absents des discussions médiatiques : l’Exploitation Minière des Fonds Marins, aussi appelée Deep Sea Mining

(image issue du compte Instagram de soafrance. Pour te la faire courte, c’est ce type d’animaux magnifiques qui pourraient être menacés par le Deep Sea Mining.)

(image issue du compte Instagram de soafrance. Pour te la faire courte, c’est ce type d’animaux magnifiques qui pourraient être menacés par le Deep Sea Mining.)

L’enjeu écologique de l’exploitation des fonds marins

En effet, des négociations entre États et entreprises du secteur privé se sont tenues au cours de l’été autour du Deep Sea Mining. L’objet de ces négociations : autoriser le torpillage des fonds marins, sources de minerais rares, que les industriels s’arrachent (zinc, cuivre, magnésium, cobalt, nickel, lithium, fer, ou encore or et argent). 

Si le projet semble complètement hors-sol dans un contexte d’appel à la sobriété par des centaines d’experts du climat, l’enjeu climatique du Deep Sea Mining est encore plus alarmant.

Le Deep Sea Mining : pour un futur dans l’abondance malgré les dangers

L’avènement de la technologie de pointe s’accompagne de l’exploitation des terres rares. La fabrication des outils numériques, tels que les smartphones, mais aussi des voitures électriques, des éoliennes et de l’armement, requiert des métaux rares comme le cobalt, le cuivre, le manganèse ou encore le nickel. Autant de ressources issues de l’exploitation jusqu’à la moelle de mines géantes à ciel ouvert, qui engendrent de graves dégâts environnementaux. 

Friande de nouvelles technologies, notre société hyper-consommatrice n’a cessé d’amenuiser la disponibilité de ces ressources non renouvelables. Les mines se vident peu à peu, et rien ne permet à l’heure actuelle de continuer à fabriquer en quantité ces produits sans ces métaux. 

C’était sans compter sur l’avidité des dirigeants des plus grandes industries du monde. En effet, pour continuer à produire en quantité, certaines entreprises ont décidé de chercher le métal là où nul n’est encore allé le chercher : au cœur des profondeurs de l’océan.

Les menaces écologiques de l’exploitation minière des océans

Et pour cause : des analyses scientifiques ont démontré que le plancher océanique contient une myriade de ces métaux rares. Mais leur extraction s’accompagne de gigantesques chantiers dans des zones encore non explorées : au-delà de 200 mètres et jusqu’à 6 kilomètres de profondeur ! Les océanologues ont bien entendu tiré la sonnette d’alarme concernant les conséquences potentiellement catastrophiques d’une telle entreprise sur la biodiversité marine, encore en grande partie inconnue. Car c’est véridique : à ce jour, l’humanité connaît mieux la surface de la Lune que les fonds marins de la planète qu’elle habite.

Nombre d’espèces restent à découvrir…  Or, perturber, voire détruire leurs écosystèmes risquerait d’engendrer leur extinction avant même que nous sachions qu’elles existent (et quel est leur rôle dans la chaîne du vivant). Des études ont d’ailleurs prouvé que le bruit généré par une seule opération de minage pourrait se propager jusqu’à 500 km autour de la zone impactée. La pollution sonore engendrée par le Deep Sea Mining impacterait la vie marine du plancton à la baleine.

Au-delà de la biodiversité marine, les océans sont des puits de carbone puissants qui absorbent jusqu’à 30 % de nos émissions de gaz à effets de serre (GES). Dans un contexte climatique où la réduction drastique de ces émissions est indispensable à la survie de nombreuses espèces (dont la nôtre), les scientifiques s’alarment du danger que peut représenter le torpillage des océans, pour le profit limité et temporaire engendré par la récolte de quelques métaux.

Plus encore, il a été mis en évidence que l’exploitation des mines océaniques par les bulldozers géants émettrait une telle quantité de sédiments que la chaîne alimentaire marine se retrouverait complètement déréglée.

Bref : des océanologues aux scientifiques du monde marin, en passant par les organisations de défense de l’océan, les alertes sont nombreuses depuis des mois sur le danger que représente le Deep Sea Mining. Pour éviter de causer des dégâts irréparables au sein d’un monde dont nous ne connaissons rien, un moratoire sur l’exploitation minière des fonds marins a été mis en place cet été, pour pousser les autorités et les gouvernements à respecter la vie marine. Grâce à ce moratoire, de nombreux représentants ont affirmé leur souhait de réglementer, voire de stopper le Deep Sea Mining.

 

Les enjeux du moratoire pour le Deep Sea Mining

La conférence de Lisbonne, en juin 2022

En juin 2022 s’est tenue la Conférence des Nations Unies sur les Océans (UNOC) à Lisbonne. Des milliers de représentants de gouvernements, d’entreprises, d’institutions scientifiques et d’ONG se sont réunis pendant 3 jours avec plusieurs objectifs : 

  • Trouver des solutions à la pollution marine, 
  • Prévenir la destruction des écosystèmes,
  • Alerter sur le réchauffement et l’acidification de l’océan,
  • Se mobiliser pour l’interdiction des subventions aux pêches non durables ou illégales,
  • Développer les aires marines protégées,
  • Partager des technologies et des connaissances scientifiques.


Mais cette conférence avait aussi d’autres enjeux. En parallèle des discussions étatiques, des militant·e·s et ONG de protection environnementale transmettaient des informations sur les réseaux sociaux pour mobiliser un maximum de monde autour du respect du moratoire précédemment évoqué. Des centaines de personnes, venues du monde entier, se sont ainsi imposées aux portes d’une salle de réunion, donnant à l’événement le ton politique qu’il méritait. Appuyant la mobilisation, le gouvernement de la République des Palaos, état insulaire de Micronésie (dans l’Océan Pacifique), a annoncé son opposition à l’exploitation minière en eaux profondes, ainsi que le lancement d’une nouvelle “Alliance des pays pour un moratoire sur l’exploitation minière en eaux profondes”, visant à empêcher cette industrie destructrice de voir le jour. D’autres États comme les îles Fidji et le Samoa ont très vite rejoint l’Alliance.

De même, la députée européenne française Marie Toussaint, accompagnée de deux autres parlementaires, Caroline Roose et Ralph Regenvanu, a lancé une “déclaration parlementaire mondiale pour un moratoire sur l’exploitation minière des grands fonds marins”. Cette déclaration invite les parlementaires du monde entier à adopter un principe de précaution et à interdire l’industrie minière en eaux profondes, dont les impacts potentiels sur la biodiversité et le climat sont à ce jour inconnus – mais estimables par les scientifiques, et potentiellement destructeurs, comme nous l’avons expliqué ci-dessus. Aujourd’hui, cette déclaration compte déjà 146 signatures de 42 pays !

Quant au Costa Rica, à l’Équateur et à l’Espagne, ils se sont prononcés en faveur d’un moratoire sur le Deep Sea Mining. Plus loin encore, à l’heure actuelle, le Pérou et le Chili ont tous deux déposés une proposition de loi pour instaurer le moratoire sur l’exploitation des fonds marins dans leurs eaux territoriales, pour au moins 10 ans. 

La France, elle, n’a pas souhaité se prononcer en faveur du moratoire. Le Président de la République, Emmanuel Macron, s’est pourtant exprimé à Lisbonne sur le sujet, spécifiant son souhait de « mettre en place un cadre légal pour arrêter l’exploitation minière des grands fonds marins en haute mer ».

Quelle est la position de la France dans l’exploitation des océans ?

Du 18 au 29 juillet, à Kingston en Jamaïque, s’est tenue une réunion de l’Autorité Internationale des Fonds Marins (AIFM) ayant pour but de négocier le cadre légal de l’exploitation minière en eaux profondes. Faisant suite à la conférence de Lisbonne et au moratoire, cette réunion était l’occasion de mettre en pratique les promesses des gouvernements et de leurs représentants. Qu’en est-il réellement ?

Tant pis pour le moratoire : dès le premier jour, l’Ambassadeur pour la France à la réunion de l’AIFM, M. Guyonvarch, a félicité l’Autorité de sa contribution à la science à travers les permis d’exploration qu’elle distribue. M. Guyonvarch n’a cependant pas fait suite aux déclarations claires de M. Macron à Lisbonne et n’a pas clarifié l’opposition de la France à l’exploitation. En parallèle, le Chili et le Costa Rica s’opposaient fermement au Deep Sea Mining lors de cette même journée.

Un second point noir est venu remettre en question la transparence de cette réunion. Le lundi 18 juillet, la WebTV de l’AIFM, qui permettait aux délégations et aux observateurs (notamment des ONG et des scientifiques) d’assister virtuellement à la réunion, a rencontré un problème. Tandis que certaines délégations proposaient d’interrompre les négociations en attendant que le problème se règle, la France s’est opposée à remettre la WebTV en route. Ce n’est qu’après un débat de 3 heures que la délégation française a finalement accepté d’interrompre les négociations. Si cette affaire paraît anodine, elle questionne néanmoins la transparence réelle de l’AIFM et de la France dans ces négociations

Au cours de cette réunion, tandis que des États, comme le Costa Rica et le Chili, rappelaient au début de chaque session les risques environnementaux et la nécessité d’un moratoire, la France, elle, s’éloignait peu à peu de ses propos tenus à Lisbonne.

Plus grave encore, M. Guyonvarch a proposé de mettre en place des contraintes environnementales au code minier plutôt que de se positionner en faveur d’un moratoire. Cette proposition vient renforcer l’ambiguïté de la position française sur le sujet

Article Le Monde du 26 juillet 2022

En effet, le moratoire a pour but de stopper l’exploitation minière et de l’empêcher de débuter en juin 2023. Quant au code minier, il a pour objectif de réguler cette exploitation minière, sans la stopper. La France joue donc un double jeu, au grand dam des scientifiques et des ONG qui attendaient un positionnement clair de la 2e plus grande puissance maritime du monde.

Dans l’objectif de forcer la prise de position du pays, des ONG ont publié une tribune dans Le Monde le 29 juillet, demandant à la France de rejoindre l’Alliance des pays pour un moratoire sur l’exploitation minière en eaux profondes.

Le rôle de l’AIFM : l’Autorité Internationale des Fonds Marins

L’AIFM, un organisme censé œuvrer pour le bénéfice de l’humanité… 

Si les gouvernements demandent des moratoires et proposent des lois, on peut se demander de manière légitime qui est responsable officiellement de la régulation de l’exploitation minière des fonds marins ? 

C’est l’Autorité internationale des fonds marins (AIFM), un organisme intergouvernemental autonome fondé en 1994 par l’ONU. L’AIFM délivre les licences d’exploration et d’exploitation minière des fonds marins, en appliquant la two-years trigger rule (règle des deux ans). En premier lieu, elle délivre une licence d’exploitation pour une entreprise ou un État, puis les membres concernés ont deux ans pour élaborer un code minier avant que ne débute l’exploitation. Étant donné que The Metals Company, une entreprise canadienne, a activé la procédure en juin 2021, cela signifie que l’exploitation pourrait débuter dès juin 2023.

… aux pratiques ambiguës. 

Si l’on est en droit de penser qu’un organisme intergouvernemental, ayant pour mission de “protéger les océans et encadrer l’industrie minière pour le bénéfice de l’humanité” (comme il l’a été indiqué lors de sa création entre 1994), agit de manière impartiale et a pour objectif premier d’éviter l’exploitation des océans, une enquête du New York Times parue le 29 août dernier révèle cependant les pratiques douteuses de l’AIFM.

L’enquête révèle un conflit d’intérêt entre le secrétaire général de l’AIFM, Michael W. Lodge, et The Metals Company, la compagnie minière canadienne à l’origine de l’activation de la procédure pour le Deep Sea Mining. Cette dernière convoite en effet l’un des gisements de minéraux les plus riches au monde (la zone Clarion-Clipperton, dans le Pacifique) et estime en tirer environ 31 milliards de dollars sur 25 ans

Dans le but d’assurer une répartition équitable des bénéfices, une règle stipule que les données concernant les sites les plus riches en ressources doivent d’abord revenir aux pays dits “en développement”. Or, l’enquête du New York Times révèle qu’avec la complicité des dirigeants de l’AIFM, c’est The Metals Company qui a obtenu ces données en premier, s’appropriant ainsi quasi-exclusivement le site le plus riche en ressources minières.

Le manège va même plus loin, puisque The Metals Company, pour rester dans le cadre légal, n’a pas hésité à se faire sponsoriser par Nauru et Tonga, deux micro-États du Pacifique qui n’auraient, de toute façon, pas les moyens de s’engager dans l’exploitation minière en eaux profondes sans l’aide de la compagnie canadienne. 

L’hypocrisie de The Metals Company est telle qu’elle justifie ses actes comme une “nécessité pour la transition verte” (termes du PDG de The Metals Company, Gerard Barron). En effet, sur son site, l’entreprise affirme que l’exploitation minière des fonds marins impactera les écosystèmes, mais que “la transition verte nécessite des sacrifices” (Gerard Barron). Bref : l’entreprise prétend détruire les fonds marins pour sauver les forêts tropicales… alors que personne ne s’engage à arrêter l’exploitation des forêts tropicales. 

Des fuites de documents internes à l’AIFM ont également révélé la complicité de Michael Lodge, secrétaire général de l’AIFM, dans cette affaire. Accusé, entre autres, d’application hasardeuse des lois et de détournement de fonds, il dénigre les scientifiques qui alertent sur les dangers de l’exploitation minière des fonds marins : “les scientifiques opposés au Deep Sea Mining entretiennent une relation financière incestueuse avec les activistes environnementaux” (Michael Lodge).

En récapitulatif sur l’AIFM

L’AIFM apparaît dorénavant comme une entité partiale et sensible aux intérêts privés, alors qu’elle est censée protéger l’intérêt commun de l’humanité. Quant à l’exploitation minière des océans, l’industrie minière semble, sans grande surprise, se complaire dans une politique néocolonialiste, et ce, alors même que les règles de l’AIFM sont faites pour lutter contre ces relations de domination. Bref, le Deep Sea Mining s’annonce comme un nouveau moyen de détruire l’environnement et d’accentuer les inégalités. Dans un contexte où allier justice climatique et justice sociale n’a jamais été aussi urgent, il nous apparaît aberrant que le sujet ne soit pas davantage traité et médiatisé.

Malgré tout cela, les activistes environnementaux restent déterminés à protéger le climat et les écosystèmes. En te rendant sur le compte Instagram de soafrance, tu pourras avoir un petit aperçu des espèces que le Deep Sea Mining pourrait menacer ! 

 

Lutter contre l’exploitation minière des océans : un combat urgent pour la justice climatique et sociale

Après les multiples conférences et réunions qui ont eu lieu cet été, de nombreux États souhaitent établir un moratoire pour stopper l’exploitation minière en eaux profondes, et la société civile, informée par l’intermédiaire des scientifiques et des ONG, émet également des doutes sur le bien-fondé du Deep Sea Mining. Des organisations, comme SOA France, poursuivent le lobbying pour arrêter l’exploitation minière et rendent publiques des photos spectaculaires de machines gigantesques, prêtes à être utilisées pour torpiller les fonds de nos océans. 

Rien n’est encore gagné, et nous pouvons tous jouer un rôle dans ce scandale écologique : en parlant du sujet autour de nous, en nous mobilisant en faveur d’un moratoire, en demandant au gouvernement de prendre clairement position, ou encore en optant pour la sobriété face à une société hyper-consommatrice et néocoloniale, nous pouvons préserver nos océans. Le combat continue ! 

 

L’exploitation minière des océans : nouvelle menace écologique 

De plus en plus urgent, le changement climatique s’est imposé dans nos vies ces dernières années à coup de canicules et de feux de forêts, de fonte de glaciers et d’inondations. Entre les événements climatiques violents de cet été 2022, le rapport du GIEC et les...

Un gigantesque projet d’oléoduc menace la biodiversité, les ressources en eau et les populations de l’Afrique de l’Est

Les compagnies pétrolières Total Energies et China National Offshore Oil Corporation (CNOOC) sont sur le point de construire le plus long oléoduc chauffé du monde, en plein cœur de l’Afrique.

S’étendant sur plus de 1 400 kilomètres, l’oléoduc East African Crude Oil Pipeline (EACOP) aura des conséquences désastreuses pour les populations locales, pour la faune et la flore sauvages et pour la planète entière : nous devons l’arrêter.

Le projet menace de déplacer des milliers de familles et d’agriculteurs de leurs terres. Il présente des risques importants pour les ressources en eau et les zones humides en Ouganda et en Tanzanie, notamment le bassin du lac Victoria, dont dépendent plus de 40 millions de personnes pour leur eau potable et leur production alimentaire.

L’oléoduc traverserait de nombreux points sensibles pour la biodiversité et risquerait de dégrader considérablement plusieurs réserves naturelles essentielles à la préservation des espèces menacées d’éléphants, de lions et de chimpanzés.

Bien sûr, brûler davantage de pétrole brut est la dernière chose dont notre planète a besoin !

Le pétrole transporté par l’EACOP générera plus de 34 millions de tonnes d’émissions de carbone chaque année. L’oléoduc exposera les écosystèmes critiques des régions enclavées d’Afrique centrale et orientale à l’exploitation commerciale du pétrole.

La construction d’un oléoduc massif en 2021, alors que le monde entier tente de se détourner de toute urgence des combustibles fossiles, n’a aucun sens, ni sur le plan environnemental, ni sur le plan économique.

Les Ougandais et les autres pays voisins d’Afrique centrale et de l’Est ne devraient pas avoir à supporter le poids des industries polluantes et déficitaires d’hier. Ils devraient avoir la possibilité d’adopter l’énergie propre et renouvelable de l’avenir et tous les avantages qui en découlent.

La force économique viendra de la célébration de la richesse de la diversité, du patrimoine et de la nature de la région. Investir dans des industries durables comme le tourisme et dans des programmes de reforestation fournira plus d’emplois et une meilleure sécurité à long terme aux communautés locales que ne le ferait l’industrie pétrolière moribonde.

Ensemble, nous pouvons arrêter EACOP.

Total Energie projette la construction d’un oléoduc de pétrole brut de 1 445 kilomètres traversant de nombreux pays d’Afrique de l’Est. En effet près d’un tiers de l’Oléoduc traversera le bassin du plus grand lac du continent africain : le lac Victoria. Ce lac est situé entre l’Ouganda, le Kenya et la Tanzanie. 40 millions de personnes dépendent de ce lac, que ce soit pour leur usage domestique mais aussi pour irriguer les fermes. L’oléoduc devrait aussi franchir plus de 200 rivières et traverser des milliers de fermes. En plus de traverser une zone sismique active, cet oléoduc n’est pas à l’abri de dommages accidentels, ou d’un mauvais entretien. Pour toutes ces raisons la probabilité d’une fuite est très élevée et peut mettre en péril des populations humaines entières. Total a la santé de 40 millions de personnes en main, ce n’est pas normal.

Plus de 100 000 personnes seront expulsées de force de leurs terres pour que ce projet voit le jour. Des terres agricoles dont des milliers de personnes dépendent pour vivre. Vous trouvez ça normal ? De plus, les communautés natives ayant déjà été déplacées font état d’un manque de transparence et de retard dans les indemnisations.

Total Energie semble minimiser l’impact que leur projet a sur la vie de ces milliers de personnes : insécurité alimentaire, impact sur la scolarité, etc. Ne parlons pas du sort réservé aux personnes qui résisteraient : intimidation, manipulation. Il leur est impossible de résister. Total Energies a la vie de 100 000 personnes en main.

L’oléoduc traversera de nombreuses niches écologiques, ce qui compromet la survie de nombreuses espèces pourtant protégées puisque vivant dans des parcs nationaux et diverses réserves.

Parmi les espèces impactées sont citées : le chimpanzé oriental (groupe d’espèces classé en danger d’extinction par l’IUCN), l’éléphant (populations classées en danger d’extinction en Ouganda et en Tanzanie par l’IUCN), le lion (populations classées vulnérables en Ouganda et en Tanzanie par l’IUCN), l’éland (populations classées vulnérable en Ouganda par l’IUCN), les petits koudous (populations classées près d’être menacées en Ouganda et Tanzanie par l’UICN), les buffles (populations classées près d’être menacées en Ouganda et Tanzanie par l’IUCN), les girafes (populations classées en danger en Ouganda par l’IUCN), les singes colobes rouges (populations classées en danger en Ouganda par l’IUCN). L’IUCN étant l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature.

Non seulement ces espèces sont menacées, mais l’équilibre dont elles font partie risque de s’effondrer. C’est enfin sans parler de la fragmentation qu’une barrière de 1 445 km peut causer : lors de la construction, de nombreuses populations peuvent se retrouver séparées physiquement par ces gros tuyaux, accélérant l‘extinction… Total Energie projette de fragmenter des populations animales en danger d’extinction, ce n’est pas normal.

Carte des espaces naturels traversés par l'oléoduc EACOP

Carte des espaces naturels traversés par l’oléoduc EACOP (source : Rapport des Amis de la Terre, cliquer pour agrandir)

Couverture du Rapport des Amis de la Terre

Rapport des Amis de la Terre : Un Cauchemar Total

Site de l’ONG
Stop EACOP
(en anglais)

Couverture du rapport de Greenpeace et Reclaim FInance

Rapport de GP et RF sur les activités de Total

Article Ouest-France 15/09

Article dans Ouest-France du 15/09/2021

Agissez !

Soutenez les activistes des MAPA (Most Affected People and Areas) qui luttent sur place contre ce projet. Pour cela, envoyez-nous vos photos de pancartes : #STOPEACOP, #UprootTheSystem.

La loi Climat, une avancée à reculons

  La loi climat résilience a été adoptée en première lecture à l’assemblée nationale le 4 mai 2021. Ce texte est issu des travaux de la Convention Citoyenne pour le Climat, assemblée de 150 citoyen.nes tiré.es au sorts, décidée par le président de la république en avril 2019. Cette assemblée a alors pour objectif de définir une série de mesures destinées à réduire les émissions de gaz à effets de serre d’au moins 40 % d’ici 2030. Emmanuel Macron s’était engagé à soumettre les 149 propositions des citoyen.nes « sans filtre » soit à un referendum, soit au vote des député.es. La loi climat a bien été adoptée, mais les mesures sont amoindries et ne permettent pas à la France de changer le système de consommation et le modes de vie des français.es assez rapidement pour espérer réduire de 40 % les émission de gaz.

Une initiative porteuse d’espoir :

Adopter une loi climat n’est pas un événement fréquent et dans un contexte de pandémie qui ne cesse de remettre en question nos modes de vie, et présenter une telle loi n’est pas anodin pour le gouvernement. On se souvient du discours d’Emmanuel Macron au sortir du premier confinement, nous exhortant à « bâtir une stratégie où nous retrouverons le temps long, la possibilité de planifier, la sobriété carbone, la prévention, la résilience. » Des mots porteurs d’espoir, laissant les citoyen.es espérer un avenir plus vert, en accord avec les attentes climatiques et sociales. Un an plus tard, la loi climat est adoptée, censée concrétiser le discours politique. Il s’agit d’un projet qui présente « une écologie pratique, qui apporte des solutions simples dans le quotidien des français. », nous dit Barbara Pompili, ministre de la Transition écologique. Un projet de loi qui aurait pu ne pas voir le jour, il faut tout de même le noter, et qui s’impose, après plus de 100 heures de débat.

Quelle mesures ?

La loi Climat présente 5 volets : « consommer », « produire et travailler », « se déplacer », « se loger » et « se nourrir ». Plus concrètement, la loi s’attaque à des aspects de la vie quotidienne. On interdit par exemple la publicité pour les énergies fossiles, on limite les émissions aériennes pour favoriser le transport ferroviaire, avec une limitation des vols intérieurs lorsqu’une alternative de moins de 2h30 en train existe. On prévoit aussi une interdiction de vente des poids lourds utilisant majoritairement des énergies fossiles d’ici 2040. Au niveau de la polution induite par les logements, on prévoit un plan pour la rénovation des passoires énergétiques, et une interdiction de louer des logements classés F et G d’ici 2028.

Un résultat mitigé :

  Ces mesures étaient à prendre, et sont préférables à un statut quo. Mais avant de se réjouir, il faut regarder les chiffres et les conseils des scientifiques, alors on s’aperçoit que la loi climat est insuffisante, et sur plusieurs points. Une étude de BCG ( Boston Consulting Group, cabinet international de conseil en stratégie.)  montre que les émissions en France sont en baisse depuis 1990, ainsi 50 % de l’objectif a été atteint, la date de fin étant en 2030. Mais puisque nous sommes en 2021, cela veut dire qu’il nous reste 9 années pour parcourir l’autre moitié du chemin. L’étude montre que le projet de loi est à la hauteur de l’objectif de 2030, seulement si les lois sont appliquées intégralement.
  Il nous est permis de douter de l’application certaine des lois, au vu du contexte économique difficile qui pousserait le gouvernement à privilégier des mesures de court terme au détriment de mesures peut être moins populaires et plus douloureuses à faire appliquer, mais pourtant nécessaires pour garantir un avenir stable. Si la loi était parfaitement appliquée, alors nous réduirions de 40 % nos émissions de gazs à effets de serre. Est-ce suffisant lorsque l’on voit que l’Europe s’est donné un objectif de -55 % d’émissions de gaz à effet de serre pour 2030 ? De toute évidence non, et si nous réussissions à atteindre 40 % d’émissions en moins, ce ne serait pas suffisant pour limiter les effets du changement climatique.
  Un autre problème que pose cette loi : le non respect du travail de la convention citoyenne pour le climat. En effet, le président s’était engagé à transmettre les propositions des 150 sans filtre. On voit aujourd’hui que seulement 10 % des propositions de la convention ont été reprises telles quelles. Cela signifie que le gouvernement refuse de donner une chance aux propositions étudiées par les citoyen.es durant 9 mois, en concertation avec les scientifiques. La loi climat s’inspire du reste des propositions mais leur contenu est amenuisé. Un des exemples les plus flagrants ; pour les voitures de plus de 1,4 tonnes, la convention proposait d’imposer un malus de 10 euros par kilogramme. Le gouvernement a modifié cette mesure en imposant un malus seulement à partir de 1,8 tonnes. Ceci change la donne car les voitures de 1,8 tonnes ne représentent que 1,74 % des voitures françaises, là où les véhicules de 1,4 tonnes représentent 26 %. L’impact n’est donc manifestement pas le même.
  De même, pour la rénovation des passoires énergétiques, qui est un des leviers majeurs de la transition, le logement émettant beaucoup de gaz à effets de serre, la loi considère que passer du classement G ( le pire) à deux échelons au dessus, c’est à dire E, équivaut à une rénovation suffisante. Le classement E reste bas, et le logement consomme toujours trop d’énergie pour baisser de manière notable les émissions de gaz à effets de serre.

Un problème démocratique :

  Si la convention citoyenne fut un exercice démocratique inédit, le résultat n’est pas satisfaisant. En refusant lui même les propositions d’une assemblée qu’il avait décidé, le président a décrédibilisé sa parole, faisant de sa promesse du « sans filtre » l’exemple type d’une parole politique non respectée.  Si nous nous désintéressons de la politique, c’est en partie car nous perdons confiance en la parole de nos élus, d’autant plus lorsqu’il s’agit de sujets d’envergure, où la négociation ne peut exister, car les chiffres sont les chiffres, et le temps nous est compté. Bien sûr, des propositions ambitieuses ne sont pas faciles à faire accepter par l’ensemble de la population car cela demande concessions et sacrifices. De plus, le gouvernement doit faire face aux atermoiements de la Haute Administration et à l’action des lobbies qui ne manquent pas de défendre leurs intérêts privés. Il s’agit là aussi d’un problème démocratique puisqu’une partie de ceux qui nous gouvernent agit dans l’impunité et empêche les attentes des citoyen.es d’être réalisées.
  Mais si nous voulons garder une chance de rester sous la barre des 2 degrés, ( les 1,5 degrés de l’accord de Paris étant déjà hors d’atteinte) l’action est nécessaire maintenant, et l’engagement des politiques, plus que leurs paroles, le sont tout autant. Avec la loi climat, il y a certe une avancée, mais elle s’accompagne d’une désagréable impression d’une « remise à plus tard » des véritables changements de la part du gouvernement. Ici, on se contente d’ajuster les normes existantes, sans  prendre les défis à bras le corps. Des revirements globaux vers la sobriété sont attendus, (cela requiert des investissements plus massifs que ceux présentés par la loi) si nous voulons décarboniser nos modes de vie. Dans une démocratie représentative, les élu.es se doivent de traduire en actes les attentes des citoyen.es. Les citoyen.es sont de plus en plus conscients de l’urgence climatique et il est anormal qu’il y ait un tel décalage entre les changements radicaux attendus par la population consciente des défis climatique et l’action politique, qui n’est décidément pas à la hauteur.

L’erreur Temps

     7 ans. Voilà le nombre d’années que l’horloge installée à New York fin 2020 donnait à l’Humanité avant de dépasser son budget carbone, au-delà duquel la température moyenne du globe dépasserait les 1,5 degrés. Si ce chiffre alarme, il pose aussi la question de notre rapport au temps. Le temps est intouchable mais il organise notre vie, au rythme du tic-tac des horloges. Nous nous remettons à lui pour les réunions, les entretiens, les échéances. Nous avons même un emploi du temps, pour l’utiliser de la meilleure façon qui soit. Respecter les horaires. Lever 6h, coucher 23h. Mais pour ce qui est de l’horloge climatique, respectons-nous les échéances ? Quel est notre rapport au temps lorsqu’il est question du climat ? S’il nous reste si peu de temps pour effectuer un virage à 180 degrés, depuis combien de temps savions-nous qu’il fallait agir? En 1972, le rapport Meadows paraît, et rend compte pour la première fois au grand public du grand incendie vers lequel nous nous dirigeons, des limites planétaires que nous dépasserons et de l’urgence d’agir.
Cela fait 50 ans que les scientifiques nous avertissent. Imaginerions nous un·e salarié·e qui arriverait le matin avec 50 ans de retard ?

     Si les causes de notre inertie climatique sont multiples, depuis notre anthropocentrisme jusqu’à la course effrénée vers la croissance, notre rapport au temps pose aussi problème. Le temps régit notre vie, et la façon dont nous nous projetons. Il définit nos choix, et donne du sens à ce que nous faisons dans le présent. Un·e étudiant·e ne passerait pas 20 ans de sa vie assis·e sur une chaise s’iel ne pouvait espérer trouver un travail plus tard. Dans tout ce que nous entreprenons, il est question de temps. Combien de temps vais-je mettre pour atteindre mon objectif ? Vais-je profiter de ma situation longtemps ? Combien de temps cela me prend au quotidien ?

     Les dynamiques de l’économie mondiale fonctionnent en se remettant au temps. Tout ce que l’on entreprend est calculé. Si nous investissons dans une filière, cela est censé nous rapporter de l’argent dans les années à venir. D’une certaine façon, nous spéculons sur le temps. Tout ceci est peut-être le reflet de notre propre perception du temps. En effet, nous privilégions le court terme au long terme, et nous voici capables de brûler des forêts qui grandissent depuis des siècles, des hydrocarbures qui ont mis des millénaires à se former. En quelques dizaines d’années, nous extrayons, vendons, consommons les ressources planétaires parce que cela nous permet de mieux vivre dans une vision du court terme. La Russie a vu le niveau de vie de ses habitants·es s’améliorer en quelques années depuis que son économie se tourne vers la vente d’hydrocarbures. C’est vrai, l’exploitation des ressources enrichit les humain·es mieux et plus rapidement que jamais.

     Dans la dynamique d’exploitation des ressources, le temps semble se rétracter. Le long fil auquel nous pensons lorsque nous tentons d’imaginer le temps se densifie, parce qu’au temps nous accordons une valeur marchande. Le temps paraît plus productif lorsqu’il apporte la richesse. Ainsi le temps nous semble scindé. Scindé entre la deuxième moitié du XXème siècle qui marque l’emballement des rejets de gaz à effets de serre (cf: fig 1-3, chap 1 édition de 2004 rapport Meadows), et le moment où les effets du réchauffement climatique commencent à se faire sentir, dans le début du XXIème siècle. Nous avons fractionné le temps comme si ce dans quoi nos ancien·nes s’étaient lancé·es par le passé ne toucherait jamais les générations futures. Nous avons perçu le temps comme une ligne faite de plusieurs événements indépendants les uns des autres, à savoir la vie des ancien·nes, et puis celle que l’on retrouverait un peu plus loin, la vie des nouvelleaux.

La persistance de la mémoire, Salvador Dali

     Pour comprendre cette erreur, L’Essai sur les données immédiates de la conscience d’Henri Bergson peut nous aider. Là où notre conscience perçoit le temps comme une ligne, le philosophe montre qu’il s’agit d’une image biaisée. Le temps perçu par les humain·es n’est qu’une perception subjective. Pour Bergson, le temps doit être conçu comme une unité indivisible, de sorte que ce qui a été fait par le passé est partie prenante du présent et du futur. Le passé, présent et futur ne sont qu’un même point, là où nous avons tendance à les séparer en plusieurs points, répartis sur une même ligne. En tant que femme je ne pourrais pas voter si le vote n’avait pas été accordé aux femmes en 1944. Le passé fait donc partie du présent. Chacun·e porte en ellui une partie du passé. Si l’on veut mieux saisir l’enjeu contemporain, on peut prendre la métaphore de la mélodie. Lorsque l’on écoute une mélodie jouée au piano par exemple, aucune des notes ne se détache distinctement. Nous écoutons le son dans son entièreté car il s’agit d’une harmonie. Il s’agit de penser de la même manière pour le temps. Le temps est fait d’événements précis, mais indissociables les uns des autres. L’erreur que nous avons faite a été de détacher les notes. Nos ancien·nes se sont lancé·es dans un solo effréné, et ont engendré une fracture temporelle et intergénérationnelle. Les notes ont sonné faux, le temps n’a été perçu qu’au présent, la mélodie n’est plus qu’une immense discorde et aujourd’hui on a grand peine à rassembler les morceaux. Nous avons du mal à arrêter ce solo qui se désolidarise du futur.

     Nos ancien·nes ont peut-être été amené·es à consommer les ressources planétaires car le temps leur paraissait linéaire. Aujourd’hui la théorie de Bergson est prouvée, car l’improvisation dans laquelle se sont lancées les générations d’avant se répercute sur les générations présentes. Les formidables voitures d’avant polluent l’air de maintenant, la production en masse de viande brûle les forêts d’aujourd’hui. Tout ce qui a été fait par le passé se répercute dans le futur, parce que le temps ne se coupe pas en deux, il englobe toutes les générations. Notre inertie qui nous a fait accumuler ces 50 ans de retard a peut-être pour cause notre perception hallucinée du temps, celui qu’il nous restait pour agir, et celui qui nous a filé entre les doigts. Notre façon de voir le temps doit changer, pour que nous vivions le temps comme une expérience infinie et de liberté, envers nous même et envers le futur. Que ce que nous faisons aujourd’hui ne soit pas un événement qui se détache de l’ensemble mais une partie de ce point uni qu’est le temps. Nous sommes déjà le lendemain, et aucun.e de nous ne souhaite perpétuer ce solo destructeur.

La liberté d’expression

     L’heure est grave. Les fondements de notre démocratie sont menacés par un groupuscule extrémiste qui ne reculera devant rien pour défendre ses intérêts. Sans humour, dénués de toute tolérance, n’hésitant pas à mettre femmes et hommes en danger au nom de leur idéologie déconnectée de la réalité, vous aurez bien entendu reconnu dans cette description tous les hommes politiques et créatures de plateau télé aux valeurs politiques orientées à droite !

     Comment ? Ce n’est pas ce que vous avez l’habitude de lire ou d’entendre ? Dans cet article, on va dissiper leurs mensonges, en s’intéressant à quelques cas emblématiques qui permettent de mettre en valeur leur coupable duplicité.

Niala ou la culture oppressive

TW racisme et sexisme

C’est pourtant une règle d’or de la communication : ne pensez pas que l’autre vous a mal compris, pensez que c’est vous qui vous êtes mal exprimé (un comic à ce sujet pour les anglophones). On pourrait supposer, pourtant, que personne n’est mieux placé pour parler du racisme d’une œuvre qu’une personne racisée ; que personne n’est mieux placé pour parler du sexisme d’une œuvre qu’une femme. Pourtant, ça n’arrête pas les auteurs, la maison Glénat et certains journalistes – des hommes blancs, globalement – qui nous expliquent gentiment que les gens qui s’affolent n’ont rien compris à leur œuvre ; à vous de voir si réduire une femme noire à une dimension sexuelle, en rapprochant son comportement des singes et en la faisant avoir des relations sexuelles avec des adolescents, ce ne serait pas plus criminel qu’autre chose. Vous trouverez un bon article à ce sujet sur aufeminin.com.

Sciences-Po Grenoble, surdité sélective

Un autre exemple, c’est le cas de Science-Po Grenoble. A la lecture d’articles sur le sujet (par exemple, celui de FrancetvInfo, qui pourtant n’est pas le plus partial) on a l’impression d’une réaction à minima disproportionnée. Pourtant, si on écoute par exemple l’interview du président de l’Union Syndicale Sciences-Po Grenoble réalisée par Ouvrez les guillemets, on apprend que le conflit a été rendu public par les professeurs ; dans le contexte de chasse aux prétendus islamogauchistes lancée par notre bien-aimée ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, cela ne pouvait que dégénérer.

Cette dernière, par ailleurs, a déclaré au micro d’Europe 1 que « traiter quelqu’un d’islamophobe peut tuer ». En omettant un fait simple – le fait que ce soit les professeurs qui aient diffusé le conflit et non le syndicat – on a pu voir la presse et tous les politiciens opportunistes se saisir de l’occasion pour faire le lien avec l’assassinat de Samuel Paty et avoir leur quart d’heure de gloire. 

Soyons clairs : la stigmatisation permanente de l’Islam et des musulmans, portée en plus haut lieu par le club des cinq des fascistes, nommément Castex-Darmanin-Vidal-Blanquer-Schiappa, tue bien plus que l’accusation d’islamophobie. Par ailleurs, ces pompiers pyromanes prétendent défendre une liberté d’expression qu’ils ne font qu’assaillir : leur réel but n’est en réalité que de défendre la légitimité de celleux qui les arrangent en portant la bonne parole conservatrice, ce que confirme leur soudaine aphasie lorsque 600 enseignants chercheurs sont affichés sur un site d’extrême droite pour avoir signé une tribune.

Conséquences de l’immunité policière, le cas lyonnais

Deux sujets parallèles à Lyon, qui participent d’un même phénomène : les émeutes de la Duchère et la polémique (pour une fois pas nationale) provoquée par le tweet d’une élue.

Absence de vidéosurveillance selon Laurent Wauquiez (rien de tel qu’une caméra pour défendre une voiture d’une agression), la conséquence d’une lutte active contre le trafic de drogue selon Darmanin, ou bien l’expression d’une colère populaire contre un arbitraire policier permanent (selon le directeur de recherche CNRS à Sciences Po Grenoble) et défendu en haut lieu par ces mêmes individus ? On vous laisse répondre à cette question, mais attention : choisissez la bonne !

Comme nous le montre la seconde polémique, dire la vérité vis-à-vis de la police, c’est s’exposer à un raz-de-marée d’accusations et de désaveux de la part de son propre camp.

En effet, face à une institution qui diffuse des messages rappelant qu’ « envoyer un nude, c’est prendre le risque de voir la photo partagée », composée en partie d’individus rentrés pour lutter contre le terrorisme (comme le rappelle un brigadier dans cet article de Mediapart), tendant vers l’extrême droite (la même qui déplore la perte du patriarcat), on peut légitimement parler de culture du viol. Ce qui n’a, rappelons-le, rien à voir avec le fait de prendre tous les policier.ères pour des violeurs. Cependant, la vérité n’est pas l’amie des syndicats de police, qui font oublier leurs compromissions avec leurs patrons par une défense cynique et acharnée des actions les plus abjectes de leurs membres.

En conclusion…

Qu’en dire ? La liberté d’expression qui serait menacée selon certains par islamogauchistes, terroristes et dealers de cannabis (les trois catégories étant interchangeables dans leur pensée, les militants non racisés n’en faisant jamais partie que de façon passagère) n’est en réalité menacée que par l’inertie d’une élite conservatrice pour partie journalistique et pour partie politique, qui exploite mensonges et approximations pour faire passer les victimes pour des criminels et l’inverse.

L’IVG en Pologne

En Europe, la Pologne est depuis des années un des pays les plus restrictif sur le sujet de l’avortement. Récemment la loi a été revue. Faisons d’abord un petit point histoire :

 La libéralisation du droit à l’avortement a eu lieu durant la période communiste, plus précisément le 27 avril 1956. À ce moment-là, un avortement était autorisé dans 3 cas :
 – une grossesse mettant la santé de la mère en danger
 – une malformation du fœtus
 – une grossesse résultant d’un viol ou d’inceste
 Puis a été institué ensuite un 4ème cas tenant compte des conditions socio-économiques difficiles telles qu’une famille monoparentale, pas ou peu de revenus, une situation de pauvreté générale.

 

En 1989 le régime communiste prend fin en Pologne. Quelques années après, en 1993 le droit à l’avortement régresse. Les conditions socio-économiques ne sont plus un critère suffisant pour accéder à l’avortement et les trois autres conditions sont durcies afin d’en limiter l’accès

 

C’est en 2016 que la question du droit à l’avortement revient au cœur des débats : le projet de réforme souhaite que le droit à l’avortement ne concerne que les femmes qui sont mises en danger par leur grossesse et punir les autres cas où il y pratique de l’avortement de 5 ans de prison. D’intenses protestations empêchent la loi de passer.

 

En 2018, une nouvelle réforme tente de supprimer le motif légal pour grave malformation du fœtus mais c’est aussi un échec.

 

En 2020, le conseil constitutionnel polonais émet, sous l’égide du parti ultra catholique au pouvoir « Droit et justice » ou PiS, un arrêt stipulant que les IVG, même dans le cas d’une malformation grave et irréversible du fœtus, d’une maladie incurable ou potentiellement mortelle, sont inconstitutionnelles.

C’est le début d’une grande vague de manifestations en Pologne. Des centaines de milliers de personnes défilent dans les rues. Il s’agit des mobilisations les plus importantes depuis la chute du communisme.

Cette loi est vue comme une déclaration de guerre, une nouvelle possibilité pour le gouvernement de faire régner la terreur en Pologne.

Pour les manifestant·es il ne s’agit pas seulement d’une lutte pour l’avortement mais d’une lutte pour la liberté. La liberté de faire ses choix pour son corps. Des symboles très forts sont utilisés dans ces manifestations : « Mon corps, mon choix », « Every woman is a riot » (chaque femme est une révolte), ou encore « j’aimerais avorter de mon gouvernement ». L’éclair rouge brandi par les féministes incarne la lutte pour l’avortement

Par ailleurs, les militant·es, en réaction à l’église catholique très puissante en Pologne et un des acteurs principaux dans la lutte du gouvernement pour la suppression du droit à l’avortement, n’hésitent pas à recourir à l’apostasie. Cet acte consiste au reniement public de sa foi catholique en annulant son baptême afin d’être supprimé·e définitivement des registres de l’église catholique.

Autre élément symbolique : le cintre, alors utilisé par certaines femmes pour mettre un terme à leur grossesse de manière clandestine par manque de moyens financiers ou par souci de discrétion, les restrictions étant déjà très fortes. Des femmes choisissent également de se rendre à l’étranger dans les pays limitrophes comme l’Allemagne ou la Slovaquie. D’autres encore se procurent des pilules abortives par internet ou sur le marché noir.
 En Pologne certaines cliniques privées proposent des avortements illégaux. Ces pratiques clandestines, en plus des dangers judiciaires, comportent de grands dangers médicaux.

En 2013, une étude montre que 80 000 à 150 000 femmes polonaise choisissent de mettre un terme à leur avortement tous les ans, tandis que les chiffres officiels tournent autour de 1000 avortements légaux pratiqué par an. De plus, en 2019, 98% des avortements légaux étaient liés à une malformation du fœtus, la condition vouée à être supprimée dans les nouveaux textes.

Après les manifestations d’octobre, le décret est retiré… mais pour peu de temps : il est de nouveau appliqué le 27 janvier, réduisant définitivement les possibilités d’avortement aux cas de viol, d’inceste et de danger mortel pour la santé de la mère.
 La présidence polonaise a exprimé sa satisfaction quant au jugement prononcé. Les mobilisations reviennent. Les femmes sont moins nombreuses dans la rue mais tout aussi déterminées.

Ce qui ressort le plus dans les propos des militant·es recueillis par Euronews est la douleur de se battre non seulement pour les droits des femmes mais surtout pour « les droits de tous ».

Une manifestante déclare ainsi :

« Il y a presque quarante ans, nos parents et grands-parents ont manifesté dans ces mêmes rues et se sont battus pour la liberté et c’est très douloureux que notre génération doive faire la même chose, après tant d’années »

Magdalena Schejbal

actrice et manifestante

Les manifestations ont dépassé les frontières polonaises et suscité des réactions, émotions, au niveau international. La présidente d’Amnesty International Polska s’exprime dans un communiqué : « Tenter de passer ces lois dangereusement régressives à n’importe quel moment serait une honte, mais d’en précipiter l’examen sous couvert de la crise liée au Covid-19 est impensable. Elles vont non seulement menacer la santé et la vie de femmes et de filles, mais aussi empêcher les jeunes d’accéder à l’information dont ils ont besoin pour avoir des relations sexuelles saines. »

 

À l’échelle de Youth for Climate France, nous nous indignons qu’une telle loi soit appliquée dans un pays de l’Union Européenne sans qu’aucune mesure ne soit prise à son encontre. Ce silence, cette absence de réaction sont un laisser-passer vers un bafouement croissant des droits de l’Homme et vers une montée du conservatisme. Nous demandons instamment à l’Union Européenne, la Cour Européenne des droits de l’Homme de faire respecter la convention ratifiée par ses membres, ses signataires dont la Pologne fait partie. Pour finir, il est de notre devoir de nous rappeler, comme le plaidait Simone Veil en 1974 devant l’Assemblée Nationale française, qu’“Aucune femme ne recourt de gaieté de cœur à l’avortement (…). C’est toujours un drame et cela restera toujours un drame. ”