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La loi Climat, une avancée à reculons

3 Oct 2021

  La loi climat résilience a été adoptée en première lecture à l’assemblée nationale le 4 mai 2021. Ce texte est issu des travaux de la Convention Citoyenne pour le Climat, assemblée de 150 citoyen.nes tiré.es au sorts, décidée par le président de la république en avril 2019. Cette assemblée a alors pour objectif de définir une série de mesures destinées à réduire les émissions de gaz à effets de serre d’au moins 40 % d’ici 2030. Emmanuel Macron s’était engagé à soumettre les 149 propositions des citoyen.nes « sans filtre » soit à un referendum, soit au vote des député.es. La loi climat a bien été adoptée, mais les mesures sont amoindries et ne permettent pas à la France de changer le système de consommation et le modes de vie des français.es assez rapidement pour espérer réduire de 40 % les émission de gaz.

Une initiative porteuse d’espoir :

Adopter une loi climat n’est pas un événement fréquent et dans un contexte de pandémie qui ne cesse de remettre en question nos modes de vie, et présenter une telle loi n’est pas anodin pour le gouvernement. On se souvient du discours d’Emmanuel Macron au sortir du premier confinement, nous exhortant à « bâtir une stratégie où nous retrouverons le temps long, la possibilité de planifier, la sobriété carbone, la prévention, la résilience. » Des mots porteurs d’espoir, laissant les citoyen.es espérer un avenir plus vert, en accord avec les attentes climatiques et sociales. Un an plus tard, la loi climat est adoptée, censée concrétiser le discours politique. Il s’agit d’un projet qui présente « une écologie pratique, qui apporte des solutions simples dans le quotidien des français. », nous dit Barbara Pompili, ministre de la Transition écologique. Un projet de loi qui aurait pu ne pas voir le jour, il faut tout de même le noter, et qui s’impose, après plus de 100 heures de débat.

Quelle mesures ?

La loi Climat présente 5 volets : « consommer », « produire et travailler », « se déplacer », « se loger » et « se nourrir ». Plus concrètement, la loi s’attaque à des aspects de la vie quotidienne. On interdit par exemple la publicité pour les énergies fossiles, on limite les émissions aériennes pour favoriser le transport ferroviaire, avec une limitation des vols intérieurs lorsqu’une alternative de moins de 2h30 en train existe. On prévoit aussi une interdiction de vente des poids lourds utilisant majoritairement des énergies fossiles d’ici 2040. Au niveau de la polution induite par les logements, on prévoit un plan pour la rénovation des passoires énergétiques, et une interdiction de louer des logements classés F et G d’ici 2028.

Un résultat mitigé :

  Ces mesures étaient à prendre, et sont préférables à un statut quo. Mais avant de se réjouir, il faut regarder les chiffres et les conseils des scientifiques, alors on s’aperçoit que la loi climat est insuffisante, et sur plusieurs points. Une étude de BCG ( Boston Consulting Group, cabinet international de conseil en stratégie.)  montre que les émissions en France sont en baisse depuis 1990, ainsi 50 % de l’objectif a été atteint, la date de fin étant en 2030. Mais puisque nous sommes en 2021, cela veut dire qu’il nous reste 9 années pour parcourir l’autre moitié du chemin. L’étude montre que le projet de loi est à la hauteur de l’objectif de 2030, seulement si les lois sont appliquées intégralement.
  Il nous est permis de douter de l’application certaine des lois, au vu du contexte économique difficile qui pousserait le gouvernement à privilégier des mesures de court terme au détriment de mesures peut être moins populaires et plus douloureuses à faire appliquer, mais pourtant nécessaires pour garantir un avenir stable. Si la loi était parfaitement appliquée, alors nous réduirions de 40 % nos émissions de gazs à effets de serre. Est-ce suffisant lorsque l’on voit que l’Europe s’est donné un objectif de -55 % d’émissions de gaz à effet de serre pour 2030 ? De toute évidence non, et si nous réussissions à atteindre 40 % d’émissions en moins, ce ne serait pas suffisant pour limiter les effets du changement climatique.
  Un autre problème que pose cette loi : le non respect du travail de la convention citoyenne pour le climat. En effet, le président s’était engagé à transmettre les propositions des 150 sans filtre. On voit aujourd’hui que seulement 10 % des propositions de la convention ont été reprises telles quelles. Cela signifie que le gouvernement refuse de donner une chance aux propositions étudiées par les citoyen.es durant 9 mois, en concertation avec les scientifiques. La loi climat s’inspire du reste des propositions mais leur contenu est amenuisé. Un des exemples les plus flagrants ; pour les voitures de plus de 1,4 tonnes, la convention proposait d’imposer un malus de 10 euros par kilogramme. Le gouvernement a modifié cette mesure en imposant un malus seulement à partir de 1,8 tonnes. Ceci change la donne car les voitures de 1,8 tonnes ne représentent que 1,74 % des voitures françaises, là où les véhicules de 1,4 tonnes représentent 26 %. L’impact n’est donc manifestement pas le même.
  De même, pour la rénovation des passoires énergétiques, qui est un des leviers majeurs de la transition, le logement émettant beaucoup de gaz à effets de serre, la loi considère que passer du classement G ( le pire) à deux échelons au dessus, c’est à dire E, équivaut à une rénovation suffisante. Le classement E reste bas, et le logement consomme toujours trop d’énergie pour baisser de manière notable les émissions de gaz à effets de serre.

Un problème démocratique :

  Si la convention citoyenne fut un exercice démocratique inédit, le résultat n’est pas satisfaisant. En refusant lui même les propositions d’une assemblée qu’il avait décidé, le président a décrédibilisé sa parole, faisant de sa promesse du « sans filtre » l’exemple type d’une parole politique non respectée.  Si nous nous désintéressons de la politique, c’est en partie car nous perdons confiance en la parole de nos élus, d’autant plus lorsqu’il s’agit de sujets d’envergure, où la négociation ne peut exister, car les chiffres sont les chiffres, et le temps nous est compté. Bien sûr, des propositions ambitieuses ne sont pas faciles à faire accepter par l’ensemble de la population car cela demande concessions et sacrifices. De plus, le gouvernement doit faire face aux atermoiements de la Haute Administration et à l’action des lobbies qui ne manquent pas de défendre leurs intérêts privés. Il s’agit là aussi d’un problème démocratique puisqu’une partie de ceux qui nous gouvernent agit dans l’impunité et empêche les attentes des citoyen.es d’être réalisées.
  Mais si nous voulons garder une chance de rester sous la barre des 2 degrés, ( les 1,5 degrés de l’accord de Paris étant déjà hors d’atteinte) l’action est nécessaire maintenant, et l’engagement des politiques, plus que leurs paroles, le sont tout autant. Avec la loi climat, il y a certe une avancée, mais elle s’accompagne d’une désagréable impression d’une « remise à plus tard » des véritables changements de la part du gouvernement. Ici, on se contente d’ajuster les normes existantes, sans  prendre les défis à bras le corps. Des revirements globaux vers la sobriété sont attendus, (cela requiert des investissements plus massifs que ceux présentés par la loi) si nous voulons décarboniser nos modes de vie. Dans une démocratie représentative, les élu.es se doivent de traduire en actes les attentes des citoyen.es. Les citoyen.es sont de plus en plus conscients de l’urgence climatique et il est anormal qu’il y ait un tel décalage entre les changements radicaux attendus par la population consciente des défis climatique et l’action politique, qui n’est décidément pas à la hauteur.

Le Temps Presse – Youth for Climate France

Youth for Climate France est le mouvement de la jeunesse et des étudiants engagés pour le climat. Depuis début 2019, nous rassemblons les différents groupes locaux en France qui répondent au mouvement « Fridays for Future », lancé à l’appel de Greta Thunberg.