Serres à LED : nouveau fléau ?

On connaissait le fléau de l’éclairage urbain à outrance par les enseignes au cœur de nos villes, qui après la destruction des habitats naturels par l’urbanisation, déséquilibre les écosystèmes alentours. Mais on découvre aujourd’hui des serres géantes de plusieurs hectares qui, de nuit, sont éclairées comme en plein jour avec des LED. On a alors affaire en pleine campagne à une source de lumière environ dix fois plus puissante qu’une zone de même taille en plein Paris. Les écosystèmes alentours se retrouvent donc chamboulés par cette technique qui se répand, aujourd’hui, à grande échelle.

La création de telles aurores boréales artificielles n’est pas anodine, une quantité de lumière aussi importante en pleine nuit a des effets néfastes sur son environnement. La première chose qu’ont pu remarquer les habitants des alentours, c’est que les oiseaux chantent comme en plein jour. C’est une conséquence parmi tant d’autres sur les êtres vivants locaux. En effet le cycle de la lumière naturelle est un des premiers repères de toutes les espèces animales et végétales et une perturbation de ce cycle peut leur être défavorable. Il faut rappeler qu’une grande partie de la vie animale n’est active que de nuit et un tel changement d’environnement peut entraîner des modifications notables du comportement des individus. Par exemple, les petits mammifères fuient ces zones par peur d’être chassés par leurs prédateurs. Cela peut aussi s’accompagner d’une baisse de leur activité et donc d’une dangereuse perte de masse. Il résulte aussi de cet éclairage des dysfonctionnements pour l’orientation de certaines espèces. Cette forte lumière peut, en effet, attirer des amas d’insectes perdus, ceci profitant à certaines espèces qui donc concurrencent déloyalement les autres espèces par des mécanismes qui sortent de l’ordinaire. La reproduction d’espèces telles que les insectes bioluminescents ou plus surprenant les amphibiens est fortement perturbée par cette pollution et cela nuit fortement à leur développement. Toutes ces conséquences désastreuses peuvent amener à la fragilisation des écosystèmes et ainsi à la non régulation des espèces invasives qui prolifèreraient alors. Il peut aussi y avoir des conséquences plus profondes ; l’horloge interne perturbée sur son cycle jour-nuit peut aussi être perturbée sur des cycles plus longs, amenant de la fatigue voire d’autres conséquences selon les espèces. Ces impacts s’avèrent désastreux en milieu urbain actuellement mais ils pourraient l’être encore plus en milieu rural, à cause de la proximité avec l’habitat de très nombreuses espèces, contrairement à la ville où les habitats possibles sont très limités. Ces effets ne sont qu’un échantillon parmi tout ceux que peuvent produire ces installations.

Ces serres ont donc des conséquences non négligeables sur les alentours mais le principe même de l’éclairage en continu des plantes peut aussi être remis en question par son impact potentiellement négatif sur les plantes elles mêmes. Dans notre cas on parle plutôt de tomates au niveau de la production à grande échelle visible. Ces dégradations sont encore mal comprises par les scientifiques et il semblerait que certaines espèces s’y accommodent plutôt bien, mais des premières observations semblent émerger après expérimentations. En effet cette technique ayant pour but d’accélérer la production entraîne une surproduction de sucres nécessaires à la vie de la plante avec une photosynthèse qui ne s’arrête pas. Cela peut entraîner un déréglage négatif de la photosynthèse voire accélérer le processus de vieillissement de la plante. Le cycle interne de la plante, bien que parfois déréglée, conserve une alternance jour nuit qui implique que la plante se protège moins de la lumière lors de sa phase nuit. Ainsi, lors d’une exposition continue, les cellules de la plante peuvent s’oxyder durant cette phase et entraîner une dégradation de la plante. Dans la nature la température aide aussi la plante à ajuster son horloge interne sur le cycle jour nuit mais dans de telles serres souvent chauffées cela est aussi perturbé. D’autres facteurs extérieurs influent sur ces possibles lésions, et les espèces réagissent différemment.

Cette technique utilisée pour accélérer la croissance des plantes est plutôt récente, les entreprises majeures de ce domaine datent des environs des années 2010, c’est donc une technique nouvelle qui regroupe aujourd’hui autour d’elle un spectre assez large allant des passioné·e·s amateur·e·s, aux grandes entreprises. L’utilisation de cette technique a commencé à plutôt petite échelle dans des chambres de croissance en intérieur qui sont destinés à des endroits avec peu d’espace, en ville par exemple. C’est pratique pour se rapprocher du consommateur mais aussi pour cultiver en intérieur de façon discrète des produits moins légaux tel que le cannabis. À plus grande échelle l’utilisation de cette technique se fait en général pour les plantations de tomates en serre, dont certaines espèces sont plutôt résistantes à ce type d’éclairage. Cette technique repose sur l’utilisation de LED pour être viable. En effet les LED permettent de produire de la lumière plus efficacement que des lampes traditionnelles, elles ont l’avantage d’avoir une consommation électrique bien moins importante et une luminosité équivalente voire supérieure. Malgré cela dans certains cas des lampes traditionnelles sont utilisés. La consommation de telles installations reste astronomique, bien qu’utilisant souvent des LED, la luminosité relevée implique une consommation électrique assez monumentale. Pour trouver ces serres en France il suffit de regarder une carte de la pollution lumineuse[1], les points les plus rouges, c’est à dire lumineux, s’avèrent être des serres. Nous avons ainsi recensé quelques serres qui semblent utiliser ces techniques et elles se trouvent toutes à l’ouest de la France. La zone la plus touchée par cette pollution regroupe un ensemble de trois exploitations dont deux du même propriétaire. Celles-ci sont fortement susceptibles d’utiliser l’éclairage LED en continu. L’une des exploitations possède au moins une serre réalisée par l’entreprise de fabrication de serres Certhon, basée au Pays-Bas. Or ce fabriquant propose la construction de serres à LED et met en avant de telles serres sur son site dont une située à cet emplacement. La généralisation de ces serres est une impasse à la fois au niveau de la biodiversité, comme on l’a vu, mais aussi énergétique : la sur-consommation d’électricité induite par cette méthode nous éloigne toujours plus des perspectives nationales de réduction de consommation d’énergie. De plus les entreprises concernées mettent en avant leur côté « écologique » et « durable » sur leurs sites internet alors même qu’elles produisent des tomates ou autres plantes avec des techniques dont la plupart n’ont pour but que de faire progresser le rendement et la productivité au détriment de la nature et de la qualité du produit vendu au consommateur. Ces producteurs ont certes une part de responsabilité mais il ne faut pas négliger la responsabilité du gouvernement qui incite par différents accords l’augmentation de la production et délaisse de ce fait les producteurs voulant garder en qualité.

Langouet, un village sans pesticides ?

Le 11 mai dernier, Daniel Cueff, maire de Langouet (35), a pris un arrêté municipal interdisant l’utilisation des pesticides à moins de 150 mètres des habitations. 3 mois plus tard, fin août, cet arrêté a été suspendu par le tribunal administratif et depuis, le maire a reçu le soutien de citoyens et d’hommes politiques. Lundi, il était devant le tribunal administratif pour défendre son arrêté.
–    Comment vous est venu l’idée d’interdire les pesticides ? 
–    La commune est engagée depuis des années sur la transition écologique. On a fait beaucoup de choses : cantine 100% bio, école de haute qualité environnementale, on produit notre électricité et on a des logements sociaux très écologiques. De plus, une partie des agriculteurs ont fait une conversion au bio. Mais l’autre partie a fait le chemin inverse : non seulement ils ne sont pas passés au bio, mais ils ont intensifié l’utilisation de la chimie dans leurs cultures. Je me suis donc retrouvé devant un gros problème. Les habitants venaient me demander ce qu’ils pouvaient faire face aux pesticides vu qu’ils habitent à la campagne : ils ont fait des analyses qui ont donné des résultats anormaux. De l’autre côté, il y avait des agriculteurs qui me disaient qu’ils ne pouvaient pas changer car ils avaient fait des investissements. Impossible de dialoguer. J’ai donc pris un arrêté de police générale du maire comme la loi me l’autorise. J’ai créé une distance d’éloignement des pesticides de 150 mètres autour des habitations. Cela permettait de protéger les habitants et cela permettait aux agricultures de commencer à cultiver ces parcelles sans pesticides. 

–    Et comment cela a été accueilli par les agriculteurs chimiques de la commune ? 
–    Autant les agriculteurs bio ont sauté de joie, car ça protège aussi leurs enfants et leurs cultures, mais les agriculteurs conventionnels étaient très en colère.
–    Comptez-vous continuer dans ce sens, de protéger vos administrés au niveau des pesticides, des logements plus isolés bref, de faire des mesures écologiques ? 
–    Déjà, nous avons créé des logements sociaux très écologiques, qui sont faits en matériaux sains. Nous avons aussi travaillé sur l’air intérieur des maisons, car souvent quand on a des maisons bien isolées, si les gens amènent des produits toxiques, c’est catastrophique. Et là il y a des pesticides dans l’air dus à l’agriculture, les gens ne peuvent pas s’empêcher de respirer, donc ils respirent malgré eux des pesticides de synthèse, […] et trouvent ça intolérable. […] À partir du moment, où le gouvernement français et le tribunal administratif me signifient, à travers les jugements, que je ne peux pas protéger mes habitants contre les pesticides de synthèses, je ne sais plus par quel bout prendre les choses, je vais tenter de gagner les procès que me fait l’État, pour leur dire qu’ils ne respectent pas la législation européenne. Et face à cette carence, j’essaye de réagir et de mettre en place des protections pour les habitants de la commune. 
–    Et comment cela a été accueilli par les agriculteurs chimiques de la commune ? 
–    Autant les agriculteurs bio ont sauté de joie, car ça protège aussi leurs enfants et leurs cultures, les agriculteurs conventionnels étaient très en colère.

–    Comptez-vous continuer dans ce sens, de protéger vos administrés au niveau des pesticides, des logements plus isolés bref, de faire des mesures écologiques ? 

–    Déjà, nous avons créé des logements sociaux très écologiques, qui sont faits en matériaux sains. Nous avons aussi travaillé sur l’air intérieur des maisons, car souvent quand on a des maisons bien isolées, si les gens amènent des produits toxiques, c’est catastrophique. Et là il y a des pesticides dans l’air dus à l’agriculture, les gens ne peuvent pas s’empêcher de respirer, donc ils respirent malgré eux des pesticides de synthèse, […] et trouvent ça intolérable. […] À partir du moment, où le gouvernement français et le tribunal administratif me signifient, à travers les jugements, que je ne peux pas protéger mes habitants contre les pesticides de synthèses, je ne sais plus par quel bout prendre les choses, je vais tenter de gagner les procès que me fait l’État, pour leur dire qu’ils ne respectent pas la législation européenne. Et face à cette carence, j’essaye de réagir et de mettre en place des protections pour les habitants de la commune. 
–    Depuis, de nombreuses communes ont déclaré être favorables à votre arrêté municipal et se sont ralliées, dont des petites communes rurales, mais aussi de grandes communes comme Paris. Que pensez-vous de ce soutien des grandes villes ? 
–    Ce soutien est extraordinaire car il montre que notre intention commune est d’attaquer les produits qui sont toxiques, qui ne devraient pas être en vente. On refuse d’attaquer les paysans, qui sont victimes des pesticides, on les a même formés à les utiliser en écoles d’agriculture, et maintenant on leur dit de les supprimer. C’est dur pour eux. Et les grandes villes n’ont pas de paysans, ce qui démontre que notre objectif est bien de sortir des pesticides, où qu’ils se trouvent, que ce soit dans les copropriétés qui épandent encore des pesticides ou la SNCF qui utilise encore du glyphosate pour entretenir les bas-côtés des lignes de chemins de fer. 

Les logements sociaux de Langouet

–    Depuis, de nombreuses communes ont déclaré être favorables à votre arrêté municipal et se sont ralliées, dont des petites communes rurales, mais aussi de grandes communes comme Paris. Que pensez-vous de ce soutien des grandes villes ? 
–    Ce soutien est extraordinaire car il montre que notre intention commune est d’attaquer les produits qui sont toxiques, qui ne devraient pas être en vente. On refuse d’attaquer les paysans, qui sont victimes des pesticides, on les a même formés à les utiliser en écoles d’agriculture, et maintenant on leur dit de les supprimer. C’est dur pour eux. Et les grandes villes n’ont pas de paysans, ce qui démontre que notre objectif est bien de sortir des pesticides, où qu’ils se trouvent, que ce soit dans les copropriétés qui épandent encore des pesticides ou la SNCF qui utilise encore du glyphosate pour entretenir les bas-côtés des lignes de chemins de fer. 
–    Avez-vous un message à leur adresser, à toutes ces communes qui vous ont rejoint ? 
–    On est déjà en contact, on s’entraide, chacun trouve des arguments pour le moment où nous passerons devant le tribunal pour convaincre les juges que nous avons raison de protéger notre population et que c’est d’ailleurs un principe de base de la constitution française, le principe de précaution. On doit l’appliquer à tous les niveaux, y compris au niveau des communes […]
–    Vous n’êtes pas le premier maire à avoir mis en place des mesures contre les pesticides. A votre avis, pourquoi votre village en particulier a fait du bruit ? 
–    Cette question, je me la pose aussi. Pourquoi ? […] Nous sommes considérés comme un village très avancé sur le plan écologique. En tout cas nous essayons et le fait que je prenne un arrêté interdisant les pesticides dans un rayon de 150 mètres autour des habitations a été considéré […] comme quelque chose de cohérent au niveau de la politique communale. Je crois que l’énorme sympathie autour de l’arrêté a été déclenché par le message envoyé par Madame la Préfète à la presse en signifiant que si l’arrêté n’était pas enlevé, elle me traînerait devant le tribunal administratif. Et le jour d’après, j’ai reçu des centaines de messages, des milliers, des dizaines de milliers, venant de partout, de France, d’Europe et même du Canada, me disant de tenir bon, mais la commune n’a jamais fait un seul communiqué de presse pour dire que nous avions pris cet arrêté. Ce message a été jugé insupportable : comment peut-on empêcher un maire de protéger sa population ?
–    J’imagine que vous allez continuer à appliquer votre arrêté, même sous la menace de la justice et celle d’Emmanuel Macron dans son interview post-G7 
–    Non, puisqu’à ce jour le tribunal administratif a suspendu mon arrêté, je ne peux plus le mettre en place […]

Interview recueillie par Alexis S.

Le glyphosate, pomme de discorde

Si l’on en croit le site internent de Bayer, le glyphosate est le sauveur de la nature. Accompagnés de photos idylliques de champs remplis de coquelicots, de primevères, les articles intitulés par exemple « le rôle du glyphosate dans la préservation de l’environnement et la biodiversité » expliquent que celui-ci protège les abeilles, préserve l’environnement et n’a aucun impact sur la santé, ni des consommateurices, ni des fermier·es qui l’utilisent. Pourtant, ce pesticide est accusé, en plus de détruire (malgré leur utilité connue) les écosystèmes qui se construisent autour des champs, de causer de nombreux cancers à celleux qui l’utilisent. Tentons ici de faire le point sur le glyphosate et tous ses effets. Tout d’abord, qu’est-ce que le glyphosate ? C’est une molécule, utilisée comme herbicide qui s’attaque à toutes les plantes du champ. Avec 25 % du marché des herbicides, c’est le plus utilisé au monde, principalement vendu dans le Roundup de Bayer-Monsanto. Selon Xavier Reboud, chercheur à l’institut national de la recherche agronomique (INRA), « le glyphosate doit sa notoriété à un certain nombre de propriétés. C’est un herbicide total, c’est-à-dire qu’il va détruire toutes les espèces végétales qui possèdent un même mécanisme que le glyphosate bloque » : en empêchant la production d’acides aminés indispensables à la photosynthèse, il fait mourir la plante. Cet herbicide, continue Xavier Reboud, est « très efficace pour désherber n’importe quelle situation », ce qui explique son usage dans les champs, sur la voirie ou dans des jardins particuliers. Les agriculteurices l’utilisent entre deux cultures pour éliminer les « mauvaise herbes » sans devoir recourir au labourage, ce qui est pour elleux un gain de temps et d’argent. Ces mauvaise herbes sont pourtant appréciées des abeilles et des autres pollinisateurs, et leur disparition est, comme l’assure Paul Schweitzer, du laboratoire d’analyse et d’écologie apicole « une menace pour la biodiversité végétale certes, mais également animale car de nombreuses espèces animales leurs sont inféodées ».

En plus de pouvoir détruire des plantes très résistantes – le glyphosate se répand même dans les parties les plus isolées de la plante, la détruisant complètement –, un des autres avantages apporté par cette molécule est qu’elle disparaît au bout de très peu de temps : il suffit de quelques jours entre l’usage de celui-ci et la plantation pour que cette nouvelle culture ne soit pas touchée.

Mais le glyphosate est présent jusque dans nos assiettes : une étude de 2015 de Génération futures a montré qu’il en reste des traces dans la moitié des 30 échantillons étudiés.

À l’instar de nombreux autres pesticides et engrais, le glyphosate ruisselle et on le retrouve dans de nombreux cours d’eau, dans les nappes phréatiques, et dans les eaux de pluie. Une étude américaine a étudié l’air et l’eau d’une région d’agriculture intensive : trois quarts des échantillons contiennent des traces de glyphosate. Pourtant, le glyphosate, comme on le disait tout à l’heure, n’est pas rémanent : il disparaît très rapidement, sa demie-vie (temps qu’une espèce chimique met pour perdre la moitié de ses effets) n’excède pas quelques mois. Cette fréquence est due à l’usage très important, voire excessif, du glyphosate par les agriculteurices.

Il est évident que le glyphosate est toxique pour les végétaux, mais, depuis son invention, des questions se posent quant à sa dangerosité pour les espèces animales et notamment l’humain. Autant il existe un consensus quant à la toxicité du glyphosate chez certains mammifères (comme chez certaines souris), chez qui le lien entre l’exposition au RoundUp et l’augmentation du risque de cancer est avéré, autant il n’existe pas de consensus scientifique sur la question de la toxicité du glyphosate chez l’humain. Cet herbicide est accusé de provoquer des lymphomes non hodgkinien, des cancers du sang très rares, mais il pourrait aussi être mutagène, c’est-à-dire qu’il s’attaque à l’ADN. Résumons les dernières études sur le sujet : en 2015, le Centre International de la Recherche sur le Cancer (CIRC), organisme de l’Organisation Mondiale de la Santé, classe le glyphosate comme cancérogène probable. En considérant qu’il y a un lien entre glyphosate et cancer, elle s’oppose à de très nombreuses agences de cancérologies nationales – une division due en partie à des différences d’évaluation et de méthodologie : « le CIRC évalue ce qu’on appelle des dangers, c’est-à-dire est-ce que dans l’absolu ce produit peut être cancérigène. Il ne tient pas compte de l’exposition réelle des populations. Il y a d’autres groupes d’experts donc le but est d’évaluer les risques : le danger d’une part, couplé à l’exposition. L’EFSA [et les autres agences] font des expertises, mais l’objectif [est] de savoir si le glyphosate contaminant l’alimentation pouvait poser un problème de toxicité chez l’homme » explique Robert Barouki, biochimiste à l’INSERM.

Les dernières études en date sur le glyphosate trouvent un lien entre la molécule et les LNH. La méta-analyse (analyse de plusieurs études statistiques) de cinq chercheurs américains est très intéressante, car elle se base sur des dizaines d’études statistiques du monde entier. Elle conclut que le risque de développer un LNH a augmenté de 41 % chez les travailleureuses qui utilisent du glyphosate. 3 des 5 auteurs de cette étude avaient participé en 2016 au travail de l’agence américaine EPA, qui avait conclu que le glyphosate n’est pas cancérogène. Mais elle critiquent la méthode de l’agence, qui a utilisé les chiffres fournis par Monsanto, s’opposant ainsi à une majorité de chercheureuses invité·es à participer au panel de l’EPA. Une autre étude, parue en mai dernier, et s’appuyant sur un immense panel de 315000 agriculteurices suivi·es pendant plus de dix ans, conclut à une très claire augmentation du risque de cancer. Contrairement à d’autre études réalisées sur des patient·es déjà atteint·es du cancer qui doivent rétrospectivement se souvenir des intrants chimiques utilisés et de leur quantité, ce qui apporte de la précision à l’étude. Cette étude, qui reste pourtant décriée par d’autres chercheureuses, conclut que le glyphosate entraîne des sur-risques de 36 % de développer des LNH.

Aux États-Unis, plus de 11000 malades ont engagé une proédure judiciaire contre Monsanto. La justice américaine a donné raison aux victimes lors des deux procès qui ont eu lieu, accusant Monsanto de « malveillance », et l’entreprise doit payer 2200 millions de dollars au jardinier Dewayne Johnson et à deux particuliers américains, les époux Pilliod.

Monsanto mène d’importantes actions de lobbying, en tentant de convaincre les scientifiques des agences de cancérologie mais aussi le grand public. Les Monsanto Papers, révélés notamment par le journal Le Monde, montrent cette stratégie de propagande, et détaillent comment certains rapports d’agences de cancérologie sont en partie des copiés-collés de rapport et d’arguments de l’entreprise. Monsanto s’inquiète d’ailleurs beaucoup dans des notes internes de la dangerosité de ses produits.

Que dit la loi aujourd’hui ?

Depuis le 1er janvier 2019, le glyphosate destiné à un usage par des particulier·es est interdit.
Pour les professionnel·les, l’État s’est engagé à supprimer le glyphosate d’ici 2021. Néanmoins, il existera des dérogations pour certains usages du glyphosate (ces termes étant très flous) jusqu’en 2023.

Discours de politique d’Édouard Philippe

Édouard Philippe a parlé de nous lors de sa déclaration de politique générale le 12 juin : « urgence écologique, comme le crient les jeunes Français à l’encontre des gouvernements et des entreprises qui n’en font pas assez », dit-il dans les premières phrases de sa prise de parole. Belle remise en question pour le premier ministre, qui, tout au long de son discours, a appelé à consacrer « les douzes prochains mois [à] l’accélération écologique », annonçant sa volonté « d’en finir » avec la (non-)politique écologique menée lors de « l’acte I » du quinquennat. La raison de cette brusque « rupture » ? « J’ai mis du temps […], à considérer que ces enjeux étaient aussi urgents que la défense de l’emploi ou la sécurité. » Mais le premier ministre a-t-il réellement compris l’urgence du dérèglement climatique et les mesures annoncées sont-elles à la hauteur pour y faire face ?

« « Accélération écologique », c’est déjà un peu étrange de le dire comme ça, car en réalité, on n’a pas commencé. l’année 2018, a été, à l’échelle mondiale, la pire de l’histoire de l’humanité en terme d’émissions de CO2 ; donc donner l’impression qu’on est dans la bonne direction mais qu’il faut accélérer est un mensonge », estime Aurélien Barreau, astrophysicien et philosophe – notamment auteur en 2018 d’une tribune qui demande un sursaut écologique -, sur le plateau de 28 minutes, émission d’Arte. Il rappelle par ailleurs que cet engagement écologique a été promis en leurs temps par Jacques Chirac ou Nicolas Sarkozy.

Le premier ministre a divisé son « plan de bataille  » en deux grandes parties : la diminution du gaspillage et remise à plat des aides à la rénovation énergétique. « J’ai annoncé notre volonté d’en finir avec cette pratique scandaleuse qui consiste à jeter ce qui ne peut être vendu », déclare le premier ministre. Dans sa ligne de mire, le plastique, qui sera désormais totalement recyclé – « nous fixons l’objectif de 100% de plastique recyclé […] et d’étudier la mise en place d’une consigne sur certains emballages »-, et qui sera supprimé des administrations.

     L’objectif du deuxième point est de reconstruire les aides à la rénovations qui « profitent aux plus riches », avec l’idée de mobiliser des fonds privés. Le premier ministre a par ailleurs rappelé sa volonté de fermer la centrale nucléaire de Fessenheim « avant fin 2020 » et les 4 dernières centrales électriques à charbon d’ici 2022. L’objectif est de diminuer « la part du nucléaire à 50% d’ici 2035, avec le développement massif du renouvelable ». Augmentation de l’usage de l’éolien en mer et « nouvelle orientation [de la] politique hydroélectrique » seront au programme pour atteindre ce but. Le dernier point soulevé par le numéro 2 de l’exécutif est celui de l’alimentation. « Nous devons produire et manger mieux », pose-t-il. Pourtant, tout en soulignant l’efficacité très contestée du nutriscore et en appelant à réformer la Politique Agricole Commune (PAC), il n’a pas une seule fois parlé de l’agriculture biologique. Édouard Philippe a pour finir rappelé l’importance qu’il attache à deux nouvelles lois, qu’il souhaite voir votées d’ici les vacances parlementaires, qui commenceront le 30 juin.

     La première, c’est la Loi d’Orientation des Mobilités (LOM), qui porte des mesures fortes, comme l’interdiction de la vente en 2040 des voitures fonctionnant avec des énergies fossiles soit 97% des voitures aujourd’hui vendues. Cette mesure suscite la colère de certains syndicats, notamment FO qui craint la suppression de 340 000 emplois. La LOM va aussi obliger les loueu·r·ses de véhicules à renforcer leur flotte de voitures électriques. Iels devront louer 20% de voitures électriques en 2022. En outre, la LOM présente de nombreuses autres mesures dont le but est de faciliter la mobilité des Françai·ses, la gratuité du permis de conduire, l’ouverture à la concurence des lignes de bus de la RATP. Le deuxième projet de loi, qui concerne l’énergie et le climat, devant être une petite loi sans grande mesure écologique, a été transformé lors du travail en commission des député·es, à la suite du discours de politique générale d’Édouard Phillipe : il inscrit dans le du Code de l’énergie la volonté du gouvernement d’atteindre la neutralité carbone en 2050, comme le préconise le GIEC pour limiter le réchauffement climatique à 1,5°C. Les projets de loi de finance, qui définissent chaque année le budget de l’État devront désormais être accompagnés d’un rapport expliquant ses « incidences positives ou négative […] sur le réchauffement climatique ». Il fixe aussi les prérogatives du haut conseil pour le climat, composé de 12 scientifiques et acteurices de la transition écologique. Sera garanti dans la loi leur totale indépendance et l’interdiction aux lobbies d’agir auprès d’eux. Ce haut conseil sera chargé de publier chaque année plusieurs rapports, notamment sur « l’efficacité des politiques […] décidées par l’État et les collectivités territoriales pour réduire les émissions de gaz à effet de serre », les comparer avec celles des autres pays et réfléchit aux mesures qui pourraient êtres mises en oeuvre. Le projet de loi met aussi en place des mesures pour permettre aux salarié·es des centrales thermiques et nucléaires amenées à fermer de suivre des formations spéciales, une mesure pour tenter de rassurer les organisations syndicales de Fassenheim ou des dernières centrales à charbon. À partir de 2022, pour tenter d’éradiquer l’épineux problème des passoires thermiques (les logements consommant plus de 3 310 kilowattheures par mètre carré) un audit sur les travaux à faire pour réduire la consommation d’énergie devra être réalisé lors de la vente. Le gouvernement a refusé des mesures proposées par les député·es pour interdire après 2025 la location de ces habitats et pour financer les travaux de rénovation si le propriétaire n’est pas en mesure d’avancer l’argent. Le projet de loi énergie climat prévoit la simplification des procédures pour les projets d’énergies renouvelables. Il autorise aussi le gouvernement à transposer en droit français par ordonnances le contenu des lois européennes « Une énergie propre pour tou·tes les Européen·nes ». Ces mesures sont jugées insuffisantes pour permettre la neutralité carbone en 2050 par certains député·es, dont celleux du groupe écologiste de l’Assemblée.

Le Développement Durable : un oxymore ?

Qu’est-ce que le développement durable ?

 

     Le développement durable est un concept apparu dans le rapport Brundtland en 1987, il propose de concilier 3 aspects : le social, l’économique, et l’environnemental. Selon ce rapport « Le développement durable est un mode de développement qui répond aux besoins des générations présentes sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs. ». L’idée est alors que l’on peut trouver un modèle économique conciliant croissance économique et respect des limites naturelles et des droits de l’homme. Cependant la présence du “développement” dans cette notion pose question.

 

Un développement peut-il être durable ?

 

     En 2009, dans une interview au magazine Terra Eco Nicolas Hulot dénonce l’abus que l’on fait de ce terme et a « l’impression qu’il ne s’agit plus que d’une camomille mielleuse destinée à nous faire ingérer nos excès ». Ainsi, aujourd’hui les États, les entreprises, en passant par les institutions internationales, tout le monde récupère ce concept devenu à la mode, n’est-ce pas suspect ?

     Selon Bertrand Méheust, auteur du livre La politique de l’oxymore « le développement durable est un oxymore. Si on prend ce terme au pied de la lettre, il contient sa contradiction. Le développement est pensé comme infini alors que nous vivons dans un monde fini. ». L’idée sous-jacente de croissance économique est clairement présente alors que c’est ce même objectif qui nous a amené à la suite de ce qu’appelle Gras la mutation thermo industrielle à exercer une prédation sur notre environnement et provoquer un réchauffement global de la planète Terre et toutes les conséquences qui vont avec (augmentation du niveau de la mer, acidification des océans, sécheresses, intensification des évènements extrêmes, déplacement de populations….). Méheust remet en cause également la croissance verte, d’après lui « Le slogan du développement durable peut devenir un outil de propagande. Il sert à maintenir les esprits captifs de l’illusion que la société peut continuer dans la voie dans laquelle elle est engagée, avec seulement des retouches, même importantes. C’est l’illusion de « la croissance verte » ». Les post développementistes blâment également ce concept, pour eux l’utilisation du qualificatif durable est avantageux pour ses partisans car il nous faire croire que le développement peut être inscrit dans la durabilité. Son utilisation est aussi une manière de rassurer les citoyens, leur donner l’illusion d’un changement, alors que très peu voire rien n’est fait, si ce n’est de beaux slogans ( « Make Our Planet Great Again » ) , des alertes ( « Notre maison brûle et nous regardons ailleurs » ), ou encore des trophées. Le constat est frappant : depuis l’apparition de ce concept, les émissions de Gaz à effet de serre mondiales ne cessent d’augmenter, la pollution atmosphérique croît inexorablement, et les inégalités sociales atteignent des niveaux records notamment dans les pays « émergents » ou « en voie de développement » comme en Chine ou en Inde, pays dans lesquelles la croissance économique a parfois été à deux chiffres. C’est aujourd’hui 2,2 milliards de personnes qui sont concernées par la pauvreté ou en passe de l’être, 815 millions de personnes souffrant de malnutrition. De fait, ces gens paraissent exclus du développement économique global, le démantèlement des services publics et de l’État providence n’aidant pas à améliorer leurs conditions.

     Par ailleurs l’acceptabilité du développement durable par les multinationales met en doute la fiabilité de celui-ci.

Un concept au service des multinationales et du greenwashing ?

 

     TOTAL, qui figure parmi les 20 plus gros émetteurs de Gaz à effet de serre de la planète se targue de placer ses « engagements environnementaux et sociétaux au coeur de notre stratégie […] agir de manière durable au quotidien. C’est tout cela être engagé pour une énergie meilleure ». Dans cette stratégie figure le fait de « Développer des biocarburants pour un transport plus durable ». Pourtant ce biocarburant n’aurait rien de durable car composé largement d’huile de palme selon une étude de Reporterre, culture soit dit en passant grandement responsable de la déforestation et par conséquent de la séquestration des puits de carbone que sont les forêts. Le développement durable est de ce fait véritablement au service des multinationales, celles-ci pouvant se consacrer à des opérations de greenwashing ou « marketing vert » visant à leur donner une bonne image sociale et environnementale. En outre cette notion est souvent associée aux énergies propres, renouvelables, bas carbone. Les énergies dites renouvelables sont aujourd’hui plébiscitées par les pouvoirs publics et les entreprises, toutefois bien que ces énergies pourraient permettre une moindre consommation de combustibles fossiles, leur construction nécessitent l’extraction de métaux souvent difficiles à recycler. L’utilisation de la voiture électrique est également critiquée du fait de la fabrication de sa batterie et sa consommation électrique parfois liée aux centrales à charbon. Si pour beaucoup la transition écologique passe par l’innovation et les nouvelles technologies, certains vont à l’encontre de cela en promouvant la sobriété énergétique, particulièrement les partisans des low-tech comme Philippe Bihouix qui précise que « Plus on va vers des objets technologiquement enrichis, avec de l’électronique intégrée, des alliages de métaux ou des matériaux composites moins facilement recyclables, plus on s’éloigne de l’économie circulaire, ce qui est le but d’une économie plus low-tech ». Ce concept va à l’encontre du high-tech et vise à utiliser des produits plus simples, plus sobres, réparables et construits localement. L’intégration du développement durable dans l’éducation est aussi une menace, l’Unesco a été chargé par les Nations unies de promouvoir le développement durable dans tous les systèmes éducatifs mondiaux. Lucie Sauvé (titulaire de la chaire de recherche du Canada en éducation relative à l’environnement) critique le fait qu’en « adoptant une posture instrumentale, l’éducation devient ainsi un outil au service du programme politico-économique mondial de développement durable », il est présenté naïvement comme « la pierre philosophale pour résoudre tous les problèmes, la clé d’un nouvel Eden ». Dans les programmes de géographie au collège ou au lycée, le développement durable est exposé comme le sauveur de populations et territoires autrefois délaissées ou maltraitées, l’exemple de Madagascar est souvent pris. En économie, les notions de soutenabilité faible et forte sont abordées, l’économie classique basée sur les théories d’Adam Smith est majoritaire dans l’enseignement universitaire mais aucun autre concept alternatif n’est évoqué, la décroissance est par exemple souvent caricaturée et jugée comme une idée utopique. Nous voyons là que l’objectif est clairement de donner aux jeunes citoyens un paradigme de croissance, de développement, de progrès. Pourtant, dans un contexte actuel d’urgence climatique, social et écologique, il serait plus judicieux de mettre en avant des modes de vie et des modèles économiques vraiment durables.

 

La décroissance, favoriser la sobriété pour un monde durable ?

 

En 1972 le rapport du Club de Rome « Halte à la croissance » a alerté sur les effets néfastes de la croissance économique amenant à un effondrement en 2030 de nos sociétés industrielles.

Un modèle tranchant vraiment avec le fonctionnement de nos sociétés contemporaines est la décroissance. Il part du principe qu’« une croissance infinie est incompatible avec une planète finie » . L’objectif est d’abord de décoloniser notre imaginaire d’un idéal de croissance, de développement, de progrès etc… Des mots toxiques selon Ivan Illich. Pour Serge Latouche l’économie de croissance est fondée sur une triple illimation : de la production, de la consommation, et donc des déchets et de la pollution. Cette économie ne serait donc pas durable. L’alternative prônée est la décroissance, cela reviendrait à transformer radicalement le fonctionnement de la société en changeant les esprits, c’est à dire décoloniser notre imaginaire. L’objectif étant de limiter la catastrophe écologique. C’est à travers des idées mais aussi des initiatives concrètes que le changement se fera. Certaines actions se développent déjà tel que le bio, les monnaies parallèles favorisant le circuit-court, le végétarisme, les low-tech etc…

Une économie de croissance ne peut plus durer, le développement durable par ses effets pervers, son inefficacité et le fait qu’ils entretienne le système économique en place ne peut être la solution, pourquoi ne pas passer à un modèle plus respectueux de la nature, des animaux, mais aussi de l’humain ?