I
Certaines affaires paraissent invraisemblables tant une quantité exubérante de faits normalement impossibles se sont pourtant produits. C’est le cas de l’histoire de l’entreprise Béton Lyonnais, société fabricant de béton prêt à l’emploi pour un certain nombre de chantiers du département du Rhône.
Depuis son installation, cette entreprise exerce son activité sur un site où celle-ci est pourtant formellement interdite. En effet, le lieu-dit “La Rubina”, à Décines-Charpieu (Est Lyonnais) est protégé à la fois par des documents d’urbanisme et par une déclaration d’utilité publique. Car contrairement à ce que l’on pourrait penser, la Rubina n’est pas une zone industrielle, mais bien une zone agricole dans laquelle il est bien spécifié que tous les modes d’occupation du sol autres que ceux réservés à un usage agricole sont interdits. En plus de ça, la Rubina héberge un captage d’eau potable de la Métropole de Lyon. Bien que sa participation à l’alimentation en eau du Grand-Lyon soit peu importante (2% de la production d’eau potable totale), la Métropole de Lyon rappelait lors d’une séance de son Conseil de 2018 sa nécessité en cas de problème avec le champ captant principal de Crépieux-Charmy, décrit comme “vulnérable” et dont la collectivité dépend pour 90% de sa production d’eau potable : “Un potentiel de 6 000 m² par jour existe sur le captage de la Rubina, mais n’est pas utilisé à ce jour pour dépassement d’une norme de potabilité”. Pour permettre la protection de cette ressources en eau, ce captage est protégé par une Déclaration d’Utilité Publique datant de 1976, et qui interdit clairement les activités industrielles comme celles de Béton Lyonnais, d’autant que l’entreprise est en perpétuelle infraction vis-à-vis du droit de l’environnement. D’autant que l’entreprise, ayant pourtant seulement obtenu l’autorisation d’exploiter une seule et unique centrale à béton de moins de 3 m3 et divers activités de broyage, concassage et criblage de minéraux artificiels, était bien décidée à ne pas s’y limiter. Pendant des années, la seule activité exercée sur le site n’avait même aucun rapport avec la catégorie d’activité initialement autorisée par la Préfecture du Rhône puisqu’il s’agissait de stockage de déchets en tous genres, de carcasses de véhicules ou machines hors d’usage et de bouts de ferrailles. Cette activité, bien qu’elle aussi interdite par le Plan Local d’Urbanisme et de l’Habitat, par les servitudes de la Déclaration d’Utilité Publique et par le droit de l’environnement lorsqu’elle est effectuée sans autorisation, continue encore aujourd’hui, malgré les nombreuses mises en demeures de l’Inspection des Installations Classées. En 2021, un de ses rapports notait que plus de 6 000 m² de terrain étaient consacrés à cette activité.
Et lorsque l’activité de fabrication de béton de l’entreprise a réellement commencé en 2009, les choses ne se sont pas vraiment améliorées. Les centrales à béton ajoutées au fil des ans l’ont été sans qu’aucun permis de construire ne soit délivré par la municipalité. L’ensemble des centrales à béton de l’entreprise est donc illégalement installé, mais la mairie de Décines-Charpieu ne semble guère s’en préoccuper. Par ailleurs, l’entreprise n’a eu de cesse de commettre des infractions au droit de l’environnement et au droit relatif aux ICPE. Forage illégal et non déclaré dans la zone de protection rapprochée du captage d’eau potable, rejet des eaux usées à même le sol, absence de protection pour les stocks d’hydrocarbures, absence de cuve de protection de la nappe pour le nettoyage des camions et l’évacuation des huiles,… Depuis 2009 (année à partir de laquelle nous avons plus d’informations), l’entreprise a fait l’objet d’une dizaine de mises en demeure et de plusieurs amendes administratives pour ses infractions répétées au code de l’environnement. Et au-delà même du fait que l’entreprise traîne les pieds pendant des années avant de (parfois) se mettre en conformité avec les injonctions de la préfecture, sa stratégie pour gagner du temps est d’attaquer systématiquement toutes les mises en demeure au tribunal administratif. Après plusieurs procès perdus, peut-être serait-il temps d’opter pour l’option mise en conformité ?